Affichage des articles dont le libellé est Joseph Gordon-Levitt. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est Joseph Gordon-Levitt. Afficher tous les articles

lundi 25 février 2019

Mysterious skin (Gregg Araki, 2004)

D'emblée le titre intrigue et c'était une nouveauté dans le cinéma de Gregg Akari habitué aux titres nihilistes (Nowhere, Doom generation, Living end, Totally fucked up). La peau et le mystère associés, ça évoque tout autant La Peau douce que Le Festin nu, deux opposés qui s'unissent dans une incongruité comme seul le cinéaste pouvait parvenir à en faire. Cela annonce une sensualité (la peau dans tous ses états était le motif central de Nowhere) et le cérébral (ce que jusqu'à présent peu de personnages « arakiens » n'avait montré).

Comme le titre le laisse soupçonner tout est question de dualité mais comme on est dans le royaume de Gregg Araki, tout se fera sans l'ombre du manichéisme si cher à tant de ses confrères. Deux enfants qui deviendront deux ados puis deux adultes vivent dans la même ville, un coin paumé de l'Amérique des ploucs des années 1980, et vivent le même événement mais aucun des deux ne ressent les choses de la même manière. Mais surtout, chose essentielle pour la mise en scène et le récit, ils n'en ont pas le même souvenir.

La linéarité de la narration permet de découvrir ces deux enfants, dans leur environnement, dans leur famille, deux leurs fringues de gamins. Le blond à lunettes s'appelle Brian (George Webster puis Brady Corbet), il est un peu gauche, pas sûr de lui, il saigne du nez à la moindre contrariété, quand il stresse. Le brun s'appelle Neil (Chase Ellison puis Joseph Gordon-Levitt), sympathique trombine de petit malin, le genre de gamin que tout le monde aime à l'école et sur les terrain de sport.

Le sport parlons en. Plus précisément du coach (Bill Sage) qui sort tout droit d'un dessin de Tom of Finland ou d'une illustration d'un magazine Beefcake. Sa superbe moustache lui mange et lui confère un sourire au charme irrésistible. Il est le coach de l'équipe de baseball des enfants, le type qui s'occupe si bien des mômes le samedi après-midi. Le coach est un prédateur qui va avec ses céréales colorées prendre possession des corps de Neil et Brian. Il en fait ses objets sexuels et va modifier leur rapport à la réalité.

Je crois que dans un cas comme celui de Mysterious skin où un pédophile abuse de deux enfants, tout devrait être insupportable. Pourtant, c'est le film le plus le plus harmonieux de Gregg Araki, celui où il compose le plus avec la violence et la douceur, paradoxe qu'annonce ce titre ambivalent. Je crois que cela est dû à ces regards caméra que les deux enfants offrent aux spectateurs, une manière radicale de regarder ceux qui les regardent, un échange, une volonté de Brian et Neil de questionner leur destin.

Seul le spectateur a les réponses à ces questions existentiels. Brian plonge dans le fantastique, il se persuade d'avoir été enlevé par des extra-terrestres. Gregg Araki avait déjà fait intervenir les forces alien dans son cinéma, c'est un moyen idéal et rapide de bifurquer vers une autre réalité tout en s'ancrant vers un tabou ineffable, la pédophilie dont on ne peut pas parler. Brian ira rencontrer une douce dingue, Avalyn (Mary Lynn Rasjskub), encore plus paumée que lui, encore plus frustrée.

Neil a choisi la voix inverse. Il reconnaît avoir été violé et que cela lui ouvre la voix vers une sexualité débridée, avec une préférence pour les hommes qui ressemble au coach. Il n'aime que les vieux, ce qui navre ses deux meilleurs amis, Eric (Jeffrey Licon) et Wendy (Michelle Trachenberg). Quand Wendy part vivre à New York, elle laisse les deux garçons dans le village de ploucs. Neil passera son temps à coucher avec tous les hommes non sans oublier de se faire payer, sans avoir la moindre émotion. Neil comme Brian sont morts à l'intérieur.


Pour les faire vivre à nouveau, Gregg Araki les fait passer par des étapes, des épreuves d'amitié et de solitude, des échanges d'expérience. La prostitution et la dépression devient le quotidien de Neil (fascinante scène avec Billy Drago) tandis que Brian se reconstruit grâce à l'aide d'Eric qui lui donne des nouvelles de Neil. Le finale où les deux jeunes hommes se rencontrent enfin, où Neil explique tout son enfance à Brian, est bouleversante, elle tord de douleur puis apaise. Le plus beau film de Gregg Araki, Mysterious skin c'est la gifle sous la caresse.


























vendredi 30 octobre 2015

The Walk (Robert Zemeckis, 2015)

L'idéal serait de rentrer dans The Walk au bout de 45 minutes, à partir du moment où Philippe Petit (Joseph Gordon-Levitt) arrive à New York pour accomplir ce que le funambule français appelle son « coup » (en français dans le texte). Si vous arrivez dès le début du film, vous devrez subir la longue présentation des personnages. D'abord Philippe Petit qui s'adresse au spectateur du haut de la flamme de la statue de la Liberté, en regard caméra. Robert Zemeckis avait déjà lancé Forrest Gump de cette manière, avec son protagoniste éponyme comme narrateur omniscient.

Joseph Gordon-Levitt joue un Français et parle donc français quand le film commence puisqu'il vit à Paris. Paris de 1973 est filmé en noir et blanc avec force reconstitution de l'époque, 2CV et 4L roulent dans les rues pavées sur une chanson de Claude François ou de Johnny Hallyday. L'acteur a un léger accent américain, forcément, aussi peu naturel que son accent français quand il parle anglais. Au bout d'un moment, les couleurs reviennent à Paris et Philippe Petit parle anglais car il veut se faire passer pour un new-yorkais.

On rencontre ses futurs complices pour son projet fou : traverser les 43 mètres qui séparent les deux tours jumelles à 420 mètres d'altitude. D'abord son mentor, le patron d'un cirque (Ben Kingsley, même souci d'accent français) qui lui apprend les techniques du funambule. Puis Annie (Charlotte Le Bon) qui deviendra sa chérie, Jean-Louis (Clément Sibony) qui sera son photographe officiel (et pourtant on ne verra aucune image de l'époque, pas même dans le générique de fin) et aussi Jean-François (César Domboy), un prof de maths, utile pour calculer la juste tension des câbles.

Il aurait suffi de vingt bonnes minutes pour la partie française qui nage dans un romantisme cucul la praline assez fastidieux. Ainsi quand The Walk démarre vraiment, à New York, on se réveille. La préparation pour installer les câbles entre les tours jumelles est mise en scène comme dans un film de braquage. Petit va surveiller les allers et venues des gardiens, des ouvriers (l'un des tours est encore en construction), il va imaginer théoriser comment monter jusqu'au 101ème étage et comment tendre relier, sans se faire choper, les câbles.

Cette partie à l'humour diffus où les futurs complices de Philippe Petit doutent de la santé mentale du héros, est suivie par la traversée filmée en temps réel. On a beau savoir que tout est filmé en effets spéciaux et connaître l'issue de ce voyage, on tremble de tous nos sangs. Le vertige nous prend soudain, on est quelques minutes Philippe Petit. La magie numérique et la 3D opèrent à merveille. Le film s'achève avec une assertion sur le rêve américain : le funambule a donné son âme à ces tours que les habitants de New York détestaient jusque là. Le rêve américain, Robert Zemeckis ne va pas se refaire.