En
une semaine, j'ai vu deux films totalement différents sur le même
sujet. Room, regard irlandais sur les Etats-Unis, film à
Oscar et aujourd'hui 10 Cloverfield Lane, aimable série B
produite par mon chouchou J.J. Abrams, premier film d'un inconnu Dan
Trachtenberg. Et c'est là que je me rends compte que je n'ai jamais
vu Cloverfield, je suis incapable de dire si ce film-là est
la suite de ce film-ci, son prequel, son prolongement contemporain,
l'un à la ville, l'autre à la campagne.
Le
huis-clos à l'œuvre dans 10 Cloverfield Lane se déroule
dans un bunker enterré sous terre. Trois personnages en quête de
sens. A l'intérieur, Michelle (Mary Elizabeth Winstead), jeune femme
dans la vingtaine. C'est par elle que commence le film, elle quitte
son appartement dans la précipitation, refuse de parler à son mec
qui l'appelle. Et bim, elle percute une autre bagnole, elle quitte la
chaussée et sa voiture se retrouve dix mètres plus bas, renversée.
Quand
elle se réveille, elle est allongée sur un matelas, un perfusion
dans le bras, la jambe droite plâtrée mais enchaînée au mur. Elle
parvient à attraper son portable, pas de chance, pas de réseau.
Elle, comme le spectateur, ignore qu'elle est sous terre. C'est John
Goodman qui ouvre la porte en fer, tel un maton de prison, pour lui
dire qu'il l'a sauvée, qu'il l'a soignée et qu'elle devrait être
bien reconnaissante. Et qu'en haut, tout est détruit, tout le monde
est mort.
John
Goodman c'est l'ogre du film. Physiquement, il n'a jamais semblé
autant occuper le cadre, surtout qu'il se déplace dans des pièces
minuscules remplies de bibelots (le salon) ou de nourriture (le
couloir). Seule la pièce où vit Michelle est dénudée, sans
meubles, sans objet. Son visage devient inquiétant, d'autant
qu'Howard, le nom de son personnage, est avare de renseignements,
qu'il révèle avec un sens consommé du suspense, qu'il raconte sans
doute n'importe quoi.
Dans
un recoin, derrière un étagère pleine de boites de conserve,
Emmett (John Gallagher Jr.) va faire le lien entre Michelle et
Howard, c'est une courroie de transmission. Il sait des choses sur ce
qu'il c'est passé au dessus, il accepte bien volontiers de donner à
Michelle des infos pour corroborer les affirmations d'Howard.
Miracle, le film évite le pire des écueils : celle d'une
romance entre Michelle et l'un de ces deux hommes, sans pour autant
rejeter l'idée d'une perversion d'Howard.
Le
film balance de rares informations sur l'ogre (sa fille), des indices
sont distillés (une photo, une boucle d'oreille, un bruit de
l'extérieur), des théories (du complot) sont élaborées par Howard
que la paranoïa de Michelle ont du mal à gober, comme autant de
possibilités de bifurcation du récit, sur le mode Smoking No
Smoking. L'idée que toutes les cinq minutes un twist vient
relancer et anéantir tout ce que l'on avait vu jusque là me plaît
beaucoup.
L'alternance
entre les simples moments de comédie et les menaces monstrueuses
d'Howard est la clé du suspense. Les jeux de société et les
puzzles que font, un temps, le trio quand cette vie semble devoir
durer une éternité est vite anéantie quand une panne d'aération
survient. 10 Cloverfield Lane ne révolutionne rien, mais sa
modestie et son rétrécissement scénaristique sont bien plus
intéressants que l'inflation narrative de pas mal de films récents.
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