samedi 31 mars 2018

SOS Fantômes (Ivan Reitman, 1984)

Zuul, quel nom fabuleux pour un démon venu de Mésopotamie, Sumérien pour être exact, pour détruire New York. L'horrible bébête a établi son camp de base au sommet d'un immeuble cossu donnant sur Central Park. Dana Barrett (Sigourney Waever), violoncelliste de profession, habite dans ce building. Elle a un bien bel appartement dans lequel des phénomènes étranges se produisent. Un soir, en revenant des courses, les œufs qu'elle avait achetés explosent dans leur coquille et cuisent tous seuls.

« Who you gonna call ? Ghostbusters ! » annonce la fameuse chanson de Ray Parker Jr, un tube en 1984 resté dans les mémoires, un pur slogan des années 1980. Ces chasseurs de fantômes sont un trio de scientifiques. Peter Venkman (Bill Murray), Egon Spengler (Harold Ramis) et Ray Stantz (Dan Aykroyd) puis un quatuor avec l'arrivée de Janine (Annie Potts) la secrétaire à la voix traînante et à l'ennui profond (tout l'inverse de ses patrons), enfin un quintet avec un nouveau chasseur Winston Zeddmore (Ernie Hudson).

SOS Fantômes est écrit par Harold Ramis et Dan Aykroyd, certes, mais c'est Bill Murray qui emporte tout. Le film commence avec lui et ses épreuve scientifiques particulières. Dans son bureau, il fait passer des tests de télépathie. En face de lui, un jeune homme et une jeune femme, deux étudiants, ils doivent deviner quel est le symbole sur chaque carte qu'il tient. La jeune femme se trompe et Venkman lui sourit, le jeune homme reçoit chaque fois une décharge électrique qu'il se trompe dans le dessin ou non.

C'est que Venkman est non seulement un dragueur impénitent (il est dérangé dans son travail scientifique par des deux comparses) mais il manie la carotte et le bâton en même temps. Une grosse vanne suit un compliment, un sarcasme précède un sourire. Les répliques du personnage de Bill Murray, cet humour très moderne (à côté les grimaces de Dan Aykroyd sont très datées et balourdes) sont de toute évidence improvisées sur le tournage, cela se sent tant elles semblent totalement extérieures au scénario du film.

Ce scénario, quel est-il ? Tout simplement l'envahissement de New York par des ectoplasmes. Le premier apparaît dans la New York Public Library, une dame fantôme fait soulever de nombreuses fiches de leurs tiroirs et poursuit son apparition en lisant tranquillement un livre. Puis, c'est dans un restaurant chic. Dans les deux cas, le trio de chasseur de fantômes détruit pratiquement tout le lieu avec leur arme pourvue de faisceau capable d'attraper les fantômes pour les mettre dans une petite boîte puis dans un container.

En 1984, Ivan Reitman ne perdait pas de temps à présenter ses personnages (ce qui fait une différence avec aujourd'hui). Trouver un local (une ancienne caserne de pompiers vétuste), trouver un véhicule (un corbillard à restaurer), trouver un logo (il est modifié quand ils commencent à avoir des clients), trouver un employé (« croyez-vous au paranormal ? » demande Janine, « Non » répond Winston, « vous êtes embauché » réplique-t-elle avec dédain). Tout est balancé en quelques minutes et quelques scènes.

Le spectateur doit immédiatement croire à l'existence des fantômes, ils varient des « slim » vert, un ectoplasme glouton dans l'hôtel au fantôme dans la bibliothèque pour ensuite accepter Zuul venu de d'une improbable mythologie sumérienne. Le seul à ne pas croire aux fantômes qui sont pourtant à chaque coin de rue de New York est Peck (William Atherton). Il est le conseiller du maire et veut fermer l'agence des Ghostbusters, ce qu'il fera d'ailleurs créant le chaos qui lancera la renaissance de Zuul et de son maître démoniaque Gozer.

The Gatekeeper and the Keymaster, tels sont les noms de Zuul et Vinz Clortho, les chiens monstrueux qui prennent vie dans les corps de Dana et de son voisin de palier Louis Tully (Rick Moranis). Avec Bill Murray, Rick Moranis a le personnage le plus croustillant de SOS Fantômes, un tocard né qui envahit l'espace vital de Dana, sortant dans le couloir dès qu'elle fait un pas et qui se solde toujours de la même manière, Louis se retrouve coincé dehors sans ses clés. Le plan séquence de sa soirée où il débite toutes ses économies de bout de chandelle est génial.


J'expliquais plus haut que Venkman drague éhontément toutes les femmes qu'il croise. Quand Dana appelle les Ghostbusters, Venkman lui fait une drague pas possible. Elle le repousse timidement. Quand les forces obscures sont relâchées par Peck, Dana devient une bête sexuelle et les rôles s'inversent, c'est elle habitée par Zuul, portant une tenue aguichante qui fait du rentre-dedans à Venkman qui sortira quelques répliques saillantes. Puisqu'il n'est pas le keymaster, elle ne couche pas avec lui, elle attendra l'arrivée de Louis possédé par le chien démoniaque.

























vendredi 30 mars 2018

Stephane Audran, 1932-2018

Stephane Audran s'est souvent appelée Hélène dans ses films, cinq fois pour Claude Chabrol avec lequel elle a tourné 22 longs-métrages entre Les Cousins (1958) et Betty (1992) et un sketch de Paris vu par (1965) où l'actrice et le cinéaste jouaient ensemble. C'est une longévité et une fidélité record dans le cinéma d'après-guerre qui fait que Stephane Audran est l'un des points cardinaux du cinéma français et de la Nouvelle Vague, les autres actrices comme autant d'éléments seraient Jeanne Moreau (le feu), Bernadette Lafont (la terre) et Anna Karina (le vent). Chacune a un tempérament différent, celui de Stephane Audran est l'eau, elle est l'image du calme, le visage impassible, le sourcil légèrement relevé, la bouche qui amorce une petite moue.

Avec Claude Chabrol, elle n'a pas tourné que des bons films, loin de là, plus que Le Boucher, c'est La Femme infidèle (diffusé mercredi soir sur Arte) qui est le chef d’œuvre de leur collaboration artistique. Un film glacial sur l'hypocrisie bourgeoise de la France de Pompidou. Claude Chabrol applique sur son actrice la méthode Koulechov. Les effets du montage et de la mise en scène affirment les émotions contradictoires que Hélène ressent. Inversement, dans La Muette, le court de Paris vu par, le couple s'amuse à déployer une cruelle vulgarité (le repas de spaghettis). D'ailleurs, il est difficile de voir les films de Claude Chabrol, très mal édité en vidéo (DVD et BluRay, films mal compressés), l'un des cinéastes français les moins visibles, au moins pour ses films des années 1960 et 1970.


En dehors de Claude Chabrol, Stephane Audran a joué dans quelques films de Samuel Fuller. Dans The Big Red One, elle aide Lee Marvin et Mark Hamill a tué des nazis dans un asile de fous en Belgique (elle a l'occasion de recevoir un langoureux baiser de Mark Hamill). En 1987, elle tourne dans deux films totalement opposés, Le Festin de Babette, film en costumes empesé qui vaut pour sa dernière séquence où elle prépare un copieux à des Danois rigoristes. Dans Les Saisons du plaisir, le dernier bon film de Jean-Pierre Mocky, elle est une nymphomane qui rivalise d'obscénités avec Sylvie Joly, elle excelle dans l'humour potache. C'est dans Le Charme discret de la bourgeoisie de Luis Buñuel qu'elle éblouit. Elle avait arrêté le cinéma il y a une dizaine d'années. Stephane Audran est décédée mardi 27 mars.
Les Bonnes femmes (Claude Chabrol, 1959)
Landru (Claude Chabrol, 1962)
La Muette - Paris vu par (Claude Chabrol, 1965)
Le Scandale (Claude Chabrol, 1966)
Les Biches (Claude Chabrol, 1968)
Le Boucher (Claude Chabrol, 1969)
La Rupture (Claude Chabrol, 1970)
Juste avant la nuit (Claude Chabrol, 1971)
Un pigeon mort sur Beethovenstrasse (Samuel Fuller, 1972)
Le Charme discret de la bourgeoisie (Luis Buñuel, 1972)
The Big Red One (Samuel Fuller, 1980)
Les Saisons du plaisir (Jean-Pierre Mocky, 1987)
Le Festin de Babette (Gabriel Axel, 1987)
Betty (Claude Chabrol, 1992)

jeudi 29 mars 2018

J'ai aussi regardé ces films en mars


La Prière (Cédric Kahn, 2018)
Je ne sais pas si on peut parler de vague de films sur la foi (Des hommes et des dieux de Xavier Beauvois, L'Apparition de Xavier Giannoli, Jeannette de Bruno Dumont, les deux derniers films de Arnaud Desplechin où la judaïté de ses personnages est forte sans compter les récents films sur le djihadisme) mais on peut tout autant parler de film sur le Vercors comme refuge, La Prière serait le contrepoint à La Tête haute d'Emmanuelle Bercot. Contrepoint parce que Cédric Kahn ne cède pas aux tentations de la scène forte, aux dialogues explicatifs (la plus belle séquence du film est la venue d'Hanna Schygulla qui ne doit pas dire plus de dix mots mais qui hypnotise par son regard), aux colères de son jeune personnage de drogué qui part se refaire une santé dans la montagne. Ce que ne cesse de filmer Cédric Kahn depuis quelques films est l'échec par des personnages qui pensent réussir hors du monde. La Prière malgré quelques défauts (oui c'est trop long, un peu répétitif) c'est l'anti film « dossier de l'écran ».

Ready player one (Steven Spielberg, 2018)
Dès les premières notes de Jump de Van Halen, je n'ai pas pu m'empêcher de penser à la bande sonore des Gardiens de la galaxie avec ses musiques des années 1980, ce qui était justifié. Dans Ready player one, la musique de mon adolescence est partout mais aussi toute la pop culture (tiens le personnage principal – insipide acteur par ailleurs – conduit une DeLorean comme Marty McFly – j'ai d'ailleurs cru à la toute fin du film que Michael J. Fox venait faire un caméo mais c'est Simon Pegg atrocement maquillé en vieux). La présentation du jeu vidéo, de la réalité virtuelle dans laquelle vie nos personnages, ressemble à celle de Valérian, voice over pour une description de ce qui doit être merveilleux : l'univers n'est pas très débridé, en tout cas pas futuriste. En 2045, personne n'est sorti des années 1980, finalement c'est une manière pour Steven Spielberg de rappeler, peut-être, que le divertissement de son époque glorieuse était largement supérieur à celui des Marvel DC Comics d'aujourd'hui. Les « Easter eggs » dont cause le récit (un scénario très premier degré sans aucun McGuffin) sont ces références plus ou moins visibles. Etrangement, l'univers Star Wars est totalement absent de la culture des personnages de Ready player one. La parodie de Shining est fort réussie. Ce qui est plus raté est l'idée des avatars qui ne correspondent au personnes réels, c'était déjà l'un des leitmotive du remake de Jumanji (où c'était bien plus palpitant). Parfois, Steven Spielberg se laisse aller à la facilité, là il tente de nous refaire le coup de Hook, sa version moderne de Peter Pan, l'éternel retour vers l'innocence de l'enfance. Bullshit !

Ghostland (Pascal Laugier, 2017)
C'est la première fois que je vois Mylène Farmer dans un film, pas dans une courte scène, non elle est l'un des cinq personnages principaux de ce sympathique film qui fait peur (tendance, on sursaute sur son siège). La panoplie du film de psychopathe est déclinée sans finesse. L'une des filles de Mylène fait un doigt d'honneur au conducteur d'un véhicule qui veut les doubler en klaxonnant (quelle erreur fatale). La maison où Mylène et ses deux filles aménagent est isolée, de style ancien (on est en Nouvelle Angleterre) et peuplée de bibelots et poupées que Pascal Laugier s'amuse à filmer comme dans n'importe quel film américain de ces dix dernières années. Enfin, la famille se fait attaquer par le conducteur du véhicule et son fils, un colosse qui grogne. Tout ça dans le premier quart d'heure. Vu et revu 100 fois. Et soudain, petit miracle, le scénario développe une piste originale et maîtrisée. Pascal Laugier joue sur nos nerfs et ça marche, Ghostland fait flipper parce qu'on ne sait plus où on en est. J'en dis pas plus.

mardi 27 mars 2018

La Muette - Paris vu par... (Claude Chabrol, 1965)

Ce sketch de Paris vu par est l'unique occasion de voir Claude Chabrol et Stéphane Audran jouer ensemble, couple à la ville et couple sur l'écran, ils sont des bourgeois du quartier de La Muette dans le XVIeme arrondissement, logique que Claude Chabrol filme la bourgeoisie parisienne. Il élabore les éléments qui permettent de reconnaître immédiatement la bourgeoisie dans son film. D'abord le gamin qui revient de l'école, il est seul, mais ce n'est pas ça qui est important, sa tenue l'est, costume, cravate, ce qui pour un collégien signale sa classe sociale.

Quelques secondes à peine dans la rue et direct dans le vaste appartement de la famille. Ascenseur privé (là aussi ça claque) dont la porte est ouverte par la petite bonne avec un air insolent. Une fois l'adolescent dans sa chambre, la bonne monte à l'étage au bureau du père, il en profite pour batifoler avec elle, immanquablement dérangés par le jeune homme. Quant à la mère, elle parle au téléphone de choses et d'autres, elle fait à peine attention quand son fils rentre, poursuit sa conversation en parlant très fort.

Il faut prendre le titre du court-métrage de Claude Chabrol avec ironie. La Muette prend deux inversions de valeur, la première est de constater combien le couple sont des bavards avec ces repas où les bouches sont filmés en gros plans en train d'avaler des spaghettis. Stéphane Audran et Claude Chabrol ont des discussions sur des sujets sérieux (ici la peine de mort) mais avec des commentaires de café du commerce. En substance, cette bourgeoisie est stupide et vulgaire, incapable de réellement penser. Le couple improvisait leurs répliques.

Le film suit le parcours du gamin, lui parle peu, observe ses parents et leur absence d'affection. Il ne supporte plus de les entendre alors il va devenir sourd en utilisant des boules Quies. Il se sent bien mieux mais Claude Chabrol instaure alors le drame final. Après une nouvelle dispute des parents, la mère tombe dans l'escalier. Elle a beau appeler au secours, personne ne répond (la bonne est partie), son fils ne l'entend pas. C'est ce qui s'appelle, toujours pour prolonger l'ironie cruelle du récit, un film à chute et à chut !