Trois
femmes sont amoureuses du même homme. Cet homme est le seigneur Tian
Jian (Chang Chen), gouverneur du royaume de Weibo au nord de la
Chine, sous la dynastie Tang. Tian Jian est un homme qui s'ennuie, il
écoute allongé, l'ai détaché, les commentaires politiques de ses
ministres, mais décide seul de tout. La première des ces trois
femmes est son épouse (Yun Zhou) qui a donné trois enfants au
seigneur. L'héritier est très proche de sa mère, la protégeant
même lorsque que l'époux se met en colère. La deuxième femme est
Huji (Hsieh Hsin-ying), la concubine de Tian Jian. Rivale de
l'épouse, Huji est enceinte mais garde sa grossesse secrète, fait
croire qu'elle a encore ses menstrues en les substituant avec du sang
de poulet. La dernière femme autour du seigneur est Yinniang (Shu
Qi), l'assassin du film de Hou Hsiao-hsien.
Toute
cette histoire qui traverse The Assassin, ces rapports entre
ces trois femmes et cet homme, Hou Hsiao-hsien la déstructure, la
désintègre et tranche dans le liant du récit pourtant famélique.
Hous Hsiao-hsien espère créer du mystère entre ses personnages,
cela tient jusqu'aux moments où les rares dialogues, lourdement
explicatifs, retracent quels sont leur rapports, leurs animosités,
leurs passés. Tian Jian et Yinniang ont été fiancés lorsqu'ils
étaient enfants, puis la famille du premier a décidé de promettre
leur fils à une autre famille. Yinniang doit aujourd'hui tuer son
ancien amour, sur ordre de son maître, ce qui est un crève-cœur
pour elle, d'autant qu'elle est prise dans la guerre que livre
l'épouse à la concubine. Cette dernière est empoisonnée par
l'épouse grâce à un sort qu'a jeté un homme mystérieux,
interprété par Jacques Picoux, un artiste français installé
depuis des lustres à Taïwan.
L'assassin
du film est une femme tout de noir vêtue, elle apparaît et
disparaît sans crier gare, elle se fond dans les drapés des rideaux
des salles du palais du seigneur. Hou Hsiao-hsien soigne
particulièrement ses intérieurs où la profondeur de champ suit une
hiérarchie précise, au fond les serviteurs, au devant de la scène
le seigneur, les rideaux découpent le cadre, cachent parfois les
personnages, dissimulent leurs secrets. Cela évoque les films de Chu
Yuan, l'esthète de la Shaw Brothers, qui s'appliquait à obstruer le
plan d'éléments divers pour sonder la distance entre les
spectateurs et les personnages, distance qui petit à petit
s'évaporait. Hou Hsiao-hsien se contente de retranscrire la
théâtralité de l'exercice du pouvoir, son usage au quotidien, ses
gestes hiératiques, les drapés et couleurs des costumes. Le son du
tambour, l'annonce de l'arrivée du seigneur, les conseils des
ministres, la circulation dans les couloirs, tout est codifié et
Yinniang vient remettre en cause ces codes.
En
extérieur, le cinéaste sature les couleurs, provoquant une image
baveuse proche des tableaux impressionnistes. Il laisse souvent
tourner sa caméra pour filmer la brume, s'étendant sur un rivière
ou encerclant un pic. Il ne cherche pas à tourner un film de sabre
classique, un wu xia pian, ce que The Assassin n'est
jamais. Tout comme son héroïne, Hou Hsiao-hsien ne respecte pas les
codes. Il s'applique à désamorcer toutes les scènes d'action. Tous
les combats avec le personnage de Shu Qi sont décevants,
terriblement ennuyeux, à peine composés. Le prologue du film, filmé
en noir et blanc et en 1:37, présente Yinniang à l’œuvre,
tranchant de sa dague les gorges en deux plans très serrés. Au
contraire, un combat en plan très large et lointain la montre au
beau milieu d'un bois en train de se battre. Dans les deux cas, tout
est sur le mode de la suggestion. Le film s'achève sur un
affrontement dans une forêt de bouleaux (à la mode, après celle de
The Revenant). Dans la dernière séquence, on voit plein de
biquettes, c'est très joli.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire