mercredi 31 octobre 2018

J'ai aussi regardé ces films en octobre


Predator (Shane Black, 2018) & Halloween (David Gordon Green, 2018)
Dans cette décennie horrifique qui va de La Nuit des masques de John Carpenter au Predator de John McTiernan, de 1978 à 1987, ce sont des tueurs muets et sans conscience qui reviennent aujourd'hui dans deux traitements totalement opposés. Predator 2018 prend le parti de la franche rigolade, dans un pastiche comique allié à un gore réjouissant (avec la participation qu'un quintet échappé d'un asile, en tête Keegan-Michael Key, l'ancien comparse de Jordan Keel, le réalisateur de Get out). « Get out » est justement la phrase que l'on entend le plus dans Halloween 2018, produit par John Carpenter en personne (et aussi Jamie Lee Curtis) via Blumhouse qui avait produit Get out. Dans Halloween, Michael Myers s'échappe aussi d'un asile de fous pour retrouver Laurie le personnage de Jamie Lee Curtis. Cette dernière avait joué peu avant dans la joviale série Scream queens, déjà une parodie de films d'horreur, une vraie réussite. Ces deux nouveaux Predator et Halloween ont bien des points communs et notamment la conscience de leur héritage qu'ils ne cessent de développer dans une mise en abyme très explicative. La scène la plus marquante de Halloween 2018 est celle où Myers traverse la rue bondée d'enfants déguisés, le public de ces films aujourd'hui. Ce qui change depuis 40 ans est le nombre de morts toujours filmés par David Gordon Green hors champ, on n'en découvre que le résultat. Ce sont trois générations de femmes qui souffrent de l'héritage de l'horreur dans Halloween et dans Predator c'est un enfant, surdoué et autiste qui permet d'affronter l'alien transparent. Ces deux films, en dehors de leurs nombreux défauts (un acteur endive dans Predator, une idéologie de la vengeance sans la Justice dans Halloween) sont ainsi des reflets de cette horrible Amérique qui se dessine sous nous yeux depuis deux ans.

Cold war (Pawel Pawlikowski, 2018)
C'est la première fois que je vois un film de Pawel Pawlikowski malgré les éloges reçus pour ses films précédents, surtout Ida. Ce que j'ai découvert dans Cold war me laisse pantois. Une histoire d'amour sur deux décennies entre la Pologne, Paris, Berlin et la Yougoslavie entre un chef d'orchestre et une chanteuse. Des amours évidemment contrariées confrontées à la politique et la guerre froide, le tout d'une banalité confondante ponctuée de chansons du patrimoine polonais (j'attends avec impatience une histoire sur les polyphonies corses). Deux personnages sont peu exploités, c'est dommage. La première est la comparse du chef d'orchestre qui disparaît rapidement, elle est intransigeante sur la musique populaire et sa mission, anti-communiste et semble peu commode. Cette femme a peu de scènes mais elle est une figure de la résistance. Le deuxième est l'inverse, un apparatchik du parti communiste, a priori un homme falot mais qui tire les ficelles du destin de nos amoureux. Le film, s'il s'était appuyé sur la vie de ces deux personnages, aurait été moins mièvre. Mais il paraît que c'est l'histoire des parents du cinéaste. Banal.

La Grand bain (Gilles Lellouche, 2018)
Le film semble ne jamais commencer. C'est une longue et fastidieuse description de tous les hommes qui occupent presque 45 minutes du récit. Chacun sa vie, chacun ses défauts. C'est qu'ils sont nombreux à avoir une vie de merde et à faire subir à leur entourage leur vie de merde. Ces hommes sont d'abord coachés par Virginie Efira, la douceur incarnée qui lit du Rilke en fumant des clopes au bord de la piscine. Puis dans la dernière partie par Leïla Beikhti, en garce en fauteuil roulant qui fait courir ces hommes dans une vallée sinistre et grise (c'est tourné vers Grenoble) Certains gags marchent mais en sourdine, parce qu'ils sont répétés (le running gag on appelle ça). Lentement, le film trouve son rythme, les gars se connectent les uns aux autres et il devient amusant, mais toujours sur le même mode, le même que celui des Petits mouchoirs ou des films de Maïwenn, une complicité des personnages opposés, contradictoires, adversaires qui semblent souvent feintes. Ici, on n'est chez des amis, des collègues comme chez Guillaume Canet ou Polisse, mais dans une équipe hétéroclite, c'est ce qui fait tenir le film dans sa deuxième heure. La chorégraphie de natation synchronisée est sur une chanson de Phil Collins, une excellente idée qui rappelle le mépris pour le chanteur qu'avaient les personnages de Steak de Quentin Dupieux.

mardi 30 octobre 2018

Used cars (Robert Zemeckis, 1980)

C'est étonnant de voir Kurt Russell dans une comédie burlesque de Robert Zemeckis. Il n'était pas encore tout à fait le héros des films de John Carpenter et restait encore un acteur de télévision (juste avant ce film, il avait joué Elvis Presley sur le petit écran pour John Carpenter). Rudy Russo, tel est son nom, est un vendeur de bagnoles d'occasion. D'occasion, il faut le dire vite, ce sont des vieux tape-culs, des épaves qu'il retape comme il peut, il modifie le compteur, il rafistole le pare-choc avec du chewing-gum.

Son bagout est censé faire l'affaire. Quand il harponne un éventuel client, il fait preuve d'une tchatche incomparable. Sa méthode est simple, il parle très vite, très longtemps, sans laisser à sa proie le temps de réfléchir. Il demande toujours le nom du potentiel acheteur. S'il s'appelle O'Hara, Rudy se présente comme un O'Brien, un latino débarque, il se nomme alors Garcia, deux Noirs sont là, il est Rudy Washington Carter. Avec son costume bon marché, il arbore un sourire constant censé plaire aux gogos qui mordent à l'hameçon.

Rudy bosse pour Luke Fuchs (Jack Warden). Il a deux collègues, un autre vendeur Jeff (Gerrit Graham) et Jim le mécanicien (Frank McRae). Le premier est superstitieux au dernier degré, par exemple il refuse catégoriquement de vendre des voitures rouges (ça servira plusieurs fois dans l'histoire), le second est franchement timbré. Le patron est aussi un original, il ne se déplace jamais sans son chien, prénommé Toby, sans le doute l'être vivant le plus malin du film, le cabot va chercher les outils dans la caisse pour son maître quand il répare les bagnoles.

Les 40 premières minutes de Used cars sont centrées sur la rivalité entre Luke Fuchs et le vendeur de voitures neuves qui se trouve juste de l'autre côté de la rue. Or, cette concession automobile est tenue par Roy L. Fuchs (Jack Warden également) le propre frère de Luke. Deux frangins qui se détestent et pour qui tous les coups sont permis comme disait Tricatel dans L'Aile ou la cuisse. Piquer le client, faire une pub en volant l'antenne de la retransmission d'un match de football américain ou faire une soirée promo encore plus alléchante.

Ces 40 premières minutes vont vite, c'est un burlesque décontracté et infantile, même quand Luke Fuchs meurt d'une crise cardiaque et qu'il faut cacher le corps. Il sera enterré dans une voiture juste derrière la magasin. Roy se doute bien de quelque chose, il a vite compris que son frère n'est plus là, même si Rudy clame qu'il est parti en vacances à Miami Beach. Roy ne serait pas mécontent du décès de Luke, il hériterait de son magasin. Une grosse magouille (pour reprendre le titre français) se profile, une autoroute doit être construite ici et Roy veut empocher le pactole.

Rudy ne veut pas que ce soit vendu pour une raison simple, il se prend une bonne marge sur les ventes. Il a but mégalomaniaque, devenir sénateur. Il vit dans une caravane. Dès qu'il rentre dans son doux logis, il met sur son lecteur de cassette « Hail to the chief », il nettoie avec application une photo de la Maison Blanche qui trône juste à côté de son affiche de campagne « Vote Senator Russo ». Il semble le seul à le croire, un parfait tocard et Kurt Russell est parfait dans son personnage de raté irrécupérable.


L'arrivée de Barbara (Deborah Harmon), la fille de Luke Fuchs à la moitié du film lance le récit vers encore plus de magouilles et développe quelques personnages bien bas de plafond. Le plus incroyable est ce juge (Al Lewis) qui accuse Barbara d'escroquerie. Sur le bureau de son tribunal on découvre des miniatures de chaise électrice, potence et guillotine. La scène finale consiste en une longue traversée de bagnoles cabossées, en piteux état, aux pots d'échappement défaillants conduites par des gens qui n'ont pas le permis. J'ai beaucoup ri.



















lundi 29 octobre 2018

Matilda (Danny DeVito, 1996)

Monsieur et Madame Wormwood (Danny DeVito et Rhea Pearlamn) ont des valeurs, ils y tiennent et entendent que leurs deux enfants les adoptent. Le fils aîné Michael (Brian Levinson) adore respecter ces valeurs : on ne fait pas ses devoirs le soir, on mange de la mauvaise bouffe devant la télé, on se moque des autres et en tout premier lieu de Matilda (Mara Wilson), la benjamine de la famille. La voix off (celle de Danny DeVito dans un ton plus apaisé que celle de son personnage de père inconséquent) raconte ce conte cruel qu'est la vie de Matilda.

Ce sont ces yeux qui lancent le film, comme s'ils regardaient vers l'avenir. Un avenir qu'elle va s'évertuer à construire elle-même en dépit de l'idiotie crasse de ses parents et de son grand frère. Dès 6 mois, elle sait écrire son nom, mais sa mère ne le remarque pas, elle file chaque jour jouer au bingo. Au bout de 2 ans, elle se prépare à manger seule et à 5 ans, elle s'éclipse de la maison pour aller à la bibliothèque. Elle a appris à lire toute seule (comme tout ce qu'elle fait) et adore la lecture, mais ce qu'elle aimerait, c'est aller à l'école.

Le père, vendeur de voitures pourries qu'il maquille en carrosse rutilent, pense que sa fille est anormale. Il ne veut pas qu'elle ailler à l'école. Pas besoin d'apprendre quoi que ce soit quand on est une femme si ce n'est s'occuper de la maison. Ce que ne fait pas la mère, elle qui n'aime rien tant que se faire belle et qui déteste faire à manger. Mais quand une directrice d'école (Pam Ferris) achète une voiture à Wormwood, il en profite pour « vendre » sa fille. Les voilà enfin débarrassés de Matilda qui est ravie d'enfin aller à l'école et de voir d'autres enfants.

Dans Matilda, ce sont les noms des personnages qui créent leur psychologie, Cette directrice d'école se nomme Trunchbull « corps de bœuf », les parents de Matilda Wormwood « armoise, absinthe » et mot à mot, bois plein de vers. Quant à l'institutrice, c'est Miss Honey (Embetz Davidtz), le miel, la douceur incarnée. Trunchbull a des dents pourries, est une femme costaude, ancienne athlète en mode RDA, elle lançait le marteau et le javelot et sa tenue est dignes des gardiennes de prison, un grand manteau gris qu'elle porte sur un short laissant apparaître sur ses grosses jambes.

Danny DeVito ne vise pas le réalisme, pas plus que dans Balance maman hors du train et La Guerre des Rose. Matilda est encore une fable sur la vaillance de l'intelligence face à la bêtise des adultes. Le conte pour enfants prend un tour fantastique quand Matilda se rend compte, petit à petit au fil des frustrations que ses parents comme Trunchbull lui assènent, qu'elle possède un pouvoir unique, celui de déplacer les objets par la pensée. C'est un pouvoir qu'elle ne peut pas apprendre dans les livres et qu'elle va devoir maîtriser.

Trunchbull, dont le visage hideux est filmée en gros plan, est une femme qui fait peur à tout le monde. Le catalogue des atrocités qu'elle impose aux gamins est à la fois grotesque et hilarant. Quand elle se rend dans la classe de Miss Honey pour une raison ou une autre, l'institutrice cache tous les dessins colorés des enfants pour remettre les grisâtres affiches moralisatrices, c'est une opération de résistance qui s'enclenche et une épreuve pour les enfants. Aucun n'ose se rebeller, protester contre les injustices et les punitions.


L'arrivée de Matilda va tout changer, pas seulement grâce à son pouvoir mais par la solidarité entre les enfants et Miss Honey. Elle dissimule un douloureux secret qu'elle va révéler à Matilda. La fillette va l'aider à résoudre son problème (né pendant son enfance). Quant aux parents, couillons comme c'est pas possible, ils sont surveillés par le FBI (l'un des agents est joué par Paul Reubens, sans son costume de Pee-Wee Herman) et même quand Matilda leur dit de se méfier, ils se laissent vivre. Irrécupérable et formidablement drôles.

















vendredi 26 octobre 2018

Le Convoi (Sam Peckinpah, 1978)

Des gros camions et le gros cul d'Ernest Borgnine, il m'en faut pas plus pour aimer un film. Oh, j'ai bien conscience que Le Convoi n'est pas le meilleur film de Sam Peckinpah mais c'est un road movie qui me divertit à chaque nouvelle vision. Ce que j'aime le plus dans le film est la chanson de C.W. McCall qui est entendu à plusieurs reprises, un nouveau refrain à chaque fois que le convoi franchit un nouvel état, Arizona (noon, midi), New Mexico (13h40) et Texas (dawn, l'aurore) et sur l'écran l'inscription de ce moment, agissant comme un chœur antique. Le morceau, écrit en 1975, parlé plus que chanté a inspiré le film dit le générique, C.W. McCall a adapté ses paroles pour Le Convoi.

Si la majorité des la musique est de la country, Sam Peckinpah se permet quelques fantaisies. Au beau milieu du film, une course poursuite démarre entre Dirty Lyle (Ernest Borgnine) et les nombreux camions qui ont rejoint Duck (Kris Kristofferson) et ses deux acolytes Pig Pen (Burt Young) et Spider Mike (Franklin Ajaye). Les camions semblent amorcer une chorégraphie, tels des petits rats de l'opéra, les images se superposent sur de la musique classique dans des fondus enchaînés, avant que la bagnole de flic ne fasse des roulades dans le sable du Nouveau Mexique, filmés au ralenti. Plus loin, cette chorégraphie recommence quand les camions virevoltent sur la chaussée.

Dans le désert blanc de l'Arizona, quasi virginal, le gros camion de Duck, de la marque Mack, traverse l'horizon. Melissa (Ali McGraw), dans sa décapotable, le double. Ils ne se connaissent pas, ils échangent des regards, ils roulent côte à côte, personne ne vient les déranger. Elle sort son appareil photo, sans arrêter sa voiture, lui son camion, elle le prend en photo. Moment de séduction seulement interrompu par l'arrivée d'un flic (pas encore Dirty Lyle) qui met une amende à Duck. Melissa est partie un peu plus loin et finalement s'arrête. Pour se débarrasser du flic et du PV, Duck lui affirme qu'elle ne portait pas de culotte, le flic retourne en vitesse dans sa voiture comme le loup devant la pin-up de Tex Avery.

Le grand blond au regard d'acier et la petite brune aux yeux noisette vont se retrouver plus tard dans un relais routier. On retrouve Pig Pen et Sipder Mike. On en apprend un peu plus sur Duck, mais grand chose à vrai dire. On comprend qu'une des serveuses du routier est son plan cul favori (même si elle est mariée). On apprend que Dirty Lyle est le premier flic à avoir mis une amende à Duck. Et que cela n'a jamais cessé depuis lors. La méthode de Lyle Wallace est peu honnête, il se cache derrière un virage pour piéger les routiers. Mais ce jour-là, sans doute parce qu'il a rencontré une jolie femme, Duck n'a pas envie qu'on le fasse chier. Le vicieux flic n'aurait jamais du lui tendre un piège, Duck entame son périple.

Le rythme du film suit celui des camions sur les autoroutes. Les chauffeurs communiquent avec la CB, canal 19, avec leur jargon typique. Comme tout le monde écoute et que Duck a une bonne réputation, le convoi ne cesse de croître. Tous les routiers ont un surnom évocateur, portent des tenues de redneck, sauf quand le chauffeur est une femme, là elle porte une coupe afro. Parmi les suiveurs un minibus avec une sorte de gourou peace & love qui chante des cantiques. Les nouvelles vont vite, d'état en état, la population soutient le convoi, les fanfares jouent à leur passage. Ils ont beau avoir passé de l'Arizona au Nouveau Mexique, Lyle les poursuit hors de sa juridiction, alertant ses collègues de ce qu'il considère comme une rébellion.


Ce rôle de leader charismatique mais ténébreux, Duck ne le revendique pas. Le gouverneur local (Seymour Cassel) qui cherche à devenir sénateur prétend le soutenir. Le conseiller en communication filme Duck pour la presse. Le FBI tente de discuter avec lui, mais ils ne parlent pas la même langue. Autant d'éléments comiques dans un film qui ne manque jamais d'humour. Tout ce que Duck veut est coucher avec Melissa qui l'accompagne dans sa cabine, il passe la majorité du film torse nu et ils s'échangent des regards érotiques (quand Duck fonce dans un barrage, Melissa semble avoir un orgasme). Pour revenir à ce que j'écrivais en début de texte, Sam Peckinpah a fait son 2001 l'odyssée de l'espace, un grand et beau film de camion avec Ernest Borgnine en flic ripou et attachant.