Parmi
les étapes de ma vie de cinéphile se trouve Close up.
J'étais alors tout jeune animateur de ciné-club à Grenoble,
c'était la deuxième fois que j'animais une séance tout seul, en
mai 1997 quelques jours avant que la Plame d'or ne soit attribuée à
Abbas Kiarostami pour Le Goût de le cerise (ma première
séance c'était Zabriskie point d'Antonioni, j'aimais les
risques). Jusqu'alors je n'avais vu qu'un seul film du cinéaste
iranien, Au-travers des oliviers.
A
l'origine de Close up, un fait divers, un chômeur de Téhéran
se fait passer pour le cinéaste Mohsen Makhmalbaf, qui eût son
heure de gloire à la même époque qu'Abbas Kiarostami. Ce jeune
homme s'incruste dans une famille bourgeoise en faisant croire aux
deux fils qu'ils pourraient devenir acteurs dans son nouveau projet.
Petit à petit, les membres de la famille commencent à comprendre
que quelque chose cloche. Ils décident d'appeler la police pour
arrêter l'imposteur.
C'est
par l'arrestation que commence Close up. Du poste de police, deux
policiers et un journaliste s'engouffrent dans un taxi, le chauffeur
s'étonne que la police n'ait pas sa propre voiture, mais il accepte
d'aller en banlieue chic pour cette course particulière. Le
journaliste est ravi parce qu'il tient un scoop, il est tout excité,
il est très volubile mais pas très organisé, il doit demander son
chemin à des passants et surtout il a oublié son magnétophone.
L'arrestation
se fait dans le plus grand calme. Abbas Kiarostami ne la montre pas,
il reste avec le chauffeur de taxi qui attend ses clients. Il sort de
son véhicule, fait le tour, ramasse quelques fleurs fanées jetées
sur un détritus, donne un coup de pied dans une bonbonne de spray
(gros suspense, laque pour cheveux ou déodorant), le spray va finir
sa course au bas de la rue quand le journaliste donne un autre coup
de pied, fou de joie de son scoop.
Inspiré
de faits réels dit le générique d'ouverture qui arrive après
cette séquence d'une durée d'un bon quart d'heure. Abbas Kiarostami
a demandé à tous les protagonistes de cette usurpation d'identité
de jouer devant sa caméra leur propre rôle, de vivre une deuxième
fois ces événements. Le faux Makhmalbaf est Hossein Sabzian et les
quatre membres de la famille Ahankhah, le père, la mère et les deux
fils jouent le jeu.
Le
plus gonflé dans tout ça est que Kiarostami va voir le juge chargé
de l'affaire et qu'il lui demande d'avancer le procès. Pourquoi ?
Tout simplement pour des questions de planning de tournage. Abbas
Kiarostami veut filmer le procès. Ce seront des images moins belles
que les reconstitutions, du 16mm probablement. On voit Sabzian assis
devant la famille Ahankhah, il répond aux questions du juge et tente
de se justifier.
Les
scènes de procès sont coupées par les reconstitutions en 35 mm,
telle celle de la rencontre initiale entre Madame Ahankhah et Sabzian
dans un bus. Il tient un livre sur le cycliste de Makhmalbaf. C'est
tout proprement hallucinant ce culot de Kiarostami d'avoir fait ça,
je crois que c'est inédit d'avoir demandé de revivre ces
événements. Il accepte de se placer dans ce rôle à la fois
d'acteur et de metteur en scène.
La
fascination décuple quand le vrai Mohsen Makhmalbaf vient chercher
Sabzian à sa sortie de prison. Il retourne chez les Ahankhah
s'excuser et leur apporte un pied de chrysanthème rouge (un rappel
des fleurs fanées du début) dans une séquence, filmée de loin,
d'une puissante intensité, sans qu'on sache si elle a pris sur le
vif (comme le procès) ou reconstituée (comme le reste du film) et
c'est dans cette inconnue que réside la beauté du film.
PS :
Le film a été l'un des premiers du cinéaste iranien à sortir en
France et en Europe. Nanni Moretti avait tourné un court-métrage
sur la sortie de Close up
dans sa salle de cinéma. C'était en 1994, ce film s'appelle Le Jour de la première de Close up.
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