dimanche 19 avril 2020

La Folie du Docteur Tube (Abel Gance, 1915)

Ah ! Abel Gance ! Entre novembre 2000 et février 2001, j'avais pu voir une bonne dizaine de films d'Abel Gance, tous projetés en 35mm, c'était la Cinémathèque de Grenoble qui avait organisé cette rétrospective (créée en même temps que la parution de la revue 1895 sur Abel Gance). C'était un marathon parce que certains films du cinéaste sont ardus et presque insupportables, par exemple ses mélos tournés en pleine occupation.

Mais un constat s'impose, comme je le disais l'autre jour sur Victor Sjöström, il est bien difficile de voir des films d'Abel Gance. La Folie du Docteur Tube (qui était dans cette rétrospective) est visible dans une magnifique version restaurée par la Cinémathèque Française (lien ici). Je vais humblement appeler ce court-métrage de 15 minutes une joyeuse expérimentation des possibilités visuelles. Je suis totalement convaincu que personne n'avait fait ça avant 1915.

Sous le prétexte d'une comédie loufoque avec un savant un peu barré (son crâne est sur-dimensionné, preuve de sa grande intelligence, il écarquille grand les yeux, il a des gestes très prononcés), Abel Gance lance une poudre de perlimpinpin qui modifie la vision. Le jeune assistant du savant est soudain pris de fou rire de voir le chien de son patron être étiré de tout son long. Le savant est satisfait de son invention, il en note les résultats.

Dehors, les deux nièces du Docteur Tube ont eu écho de l'invention (magie du cinéma, elles lisent le journal qui l'annonce en même que cela se produit). Accompagnées de leurs deux prétendants en tenue de soirée, elles rendent visite à l'oncle. Il en profite pour les saupoudrer de sa formule. Les pauvres, elles ne se reconnaissent plus quand elles se regardent dans leur miroir. Elles étaient toutes belles, les voici bien vilaines.

Les anamorphoses servent ainsi à transformer ce burlesque en un récit fantastique. Les « proies » du Docteur Tube sont prises au piège de de cette magie visuelle. Deux résultats : l'effroi devant une donnée inconnue et l'hilarité du savant et de son commis. C'est au spectateur de trouver sa place dans cette petite ambiguïté. C'est probablement, à la fois en 1915 et aujourd'hui, un portrait de la folie du cinéaste Gance.



















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