Ah !
Abel Gance ! Entre novembre 2000 et février 2001, j'avais pu
voir une bonne dizaine de films d'Abel Gance, tous projetés en 35mm,
c'était la Cinémathèque de Grenoble qui avait organisé cette
rétrospective (créée en même temps que la parution de la revue
1895 sur Abel Gance). C'était un marathon parce que certains films
du cinéaste sont ardus et presque insupportables, par exemple ses
mélos tournés en pleine occupation.
Mais
un constat s'impose, comme je le disais l'autre jour sur Victor
Sjöström, il est bien difficile de voir des films d'Abel Gance. La
Folie du Docteur Tube (qui
était dans cette rétrospective) est visible dans une magnifique
version restaurée par la Cinémathèque Française (lien ici). Je
vais humblement appeler ce court-métrage de 15 minutes une joyeuse
expérimentation des possibilités visuelles. Je suis totalement
convaincu que personne n'avait fait ça avant 1915.
Sous
le prétexte d'une comédie loufoque avec un savant un peu barré
(son crâne est sur-dimensionné, preuve de sa grande intelligence,
il écarquille grand les yeux, il a des gestes très prononcés),
Abel Gance lance une poudre de perlimpinpin qui modifie la vision. Le
jeune assistant du savant est soudain pris de fou rire de voir le
chien de son patron être étiré de tout son long. Le savant est
satisfait de son invention, il en note les résultats.
Dehors,
les deux nièces du Docteur Tube ont eu écho de l'invention (magie
du cinéma, elles lisent le journal qui l'annonce en même que cela
se produit). Accompagnées de leurs deux prétendants en tenue de
soirée, elles rendent visite à l'oncle. Il en profite pour les
saupoudrer de sa formule. Les pauvres, elles ne se reconnaissent plus
quand elles se regardent dans leur miroir. Elles étaient toutes
belles, les voici bien vilaines.
Les
anamorphoses servent ainsi à transformer ce burlesque en un récit
fantastique. Les « proies » du Docteur Tube sont prises
au piège de de cette magie visuelle. Deux résultats : l'effroi
devant une donnée inconnue et l'hilarité du savant et de son
commis. C'est au spectateur de trouver sa place dans cette petite
ambiguïté. C'est probablement, à la fois en 1915 et aujourd'hui,
un portrait de la folie du cinéaste Gance.
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