La
verve des répliques de Michel Audiard dans les films de Georges
Lautner atteind dans Les Barbouzes des sommets de drôlerie.
Le film est à double tranchant, il est brillant dans sa première
moitié avec ces dialogues ciselés pour le trio d'acteurs Francis
Blanche, Bernard Blier et Lino Ventura avant de tomber dans le
train-train, dans l'habitude de ce que le dialoguiste a pu écrire.
D'ailleurs, le film se termine et commence dans un train, comme quoi.
Dans
ce prologue dans le train, Georges Lautner entend expliquer ce qu'est
un barbouze, terme d'argot pour espion, mais dont il inverse la
hiérarchie du niveau de langage. Ce sera l'argot qui fera figure de
jargon dans le film et il ne sera laissé à personne le soin de dire
des dialogues « naturels ». Ce registre du vrai faux –
soit l'art de l'espion – se voit avec les premiers personnages du
train qui ressemblent de loin à Ventura et Blier.
Les
vrais sont ensuite présentés en voix off avec une ribambelle de
surnoms ridicules tout en oxymore, leur déclinaison caractérise
leurs qualités et leurs personnalités. Cette fois encore ils se
présenteront comme auprès d'Amaranthe (Mireille Darc) comme des
amis proches, forcément proches, de feu son époux. Lino Ventura
devient le « cousin Ludo » que le gouvernement a chargé
d'une mission : acheter les brevets.
Evidemment,
aucun spectateur même pas sans doute celui de 1964 ne s'intéresse à
cette histoire d'héritage. Il veut entendre Bernard Blier en pasteur
suisse toute en onctuosité, avec ce petit sourire pincé et ses yeux
qui se closent à moitié quand il s'approche d'Amaranthe. L'abbé
perd son rictus dès qu'arrivent les trois autres affreux jojos venus
pour cette même mission. Mais il ne se sépare jamais de son missel,
sauf pour tenir un flingue.
Le
plus génial pour jeter la verve d'Audiard reste Francis Blanche en
espion russe à l'esprit slave déchirant de sa voix aiguë le calme
apparent de ces funérailles dans ce beau château bavarois. « Mon
cœur saigne petite sœur » dit-il en frappant du poing son
poitrail. Seulement voilà, il se trompe de petite sœur, il va
consoler l'amie de la veuve, sous les rires étouffés du Suisse, du
Français et de l'Allemand.
Voici
donc les quatre espions installés chez elle, on peut vite passer sur
l'Allemand incarné par Charles Millot moins croquignolet que celui
des Tontons flingueurs, on peut s'attarder sur « le
fidèle Rudolph » (André Weber) porte-flingue du mari défunt,
celui du lâche qui décide, qui fait avancer au moins un temps le
récit en clarifiant les situations. Il y a toujours ce genre de
personnage chez Lautner, c'était Venantino Venantini dans Les
Tontons flingueurs.
Ce
genre de gars qui sait tout sur tout, mais distille ses conseils au
compte-goutte et uniquement s'il est de bonne humeur. Cela dit, Lino
Ventura ne se gêne pas pour forcer ce grand maigre à coopérer et à
le mettre de son côté. Chacun va éviter les mauvais coups de
l'autre, les pièges des autres espions qui n'hésitent pas à faire
sauter les chambres, cacher des scorpions dans les lits et mettre des
micros partout (la spécialité du Suisse)
L'emballage
sonore du film est sa plus grande réussite. La musique de Michel
Magne est bien meilleure quand celle des Tontons flingueurs
toute en crispation de piano et cordes, en ralenti puis en accéléré.
C'est le l'Américain O'Brien (Jess Hahn) « remember cash ! »,
qui a peu de scènes mais les plus amusantes du film, avec ses jeunes
dans sa Cadillac qui arrive et s'en va avec ce klaxon arrogant non
sans s'être fait expulser manu militari par les autres.
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