Sur
la page Facebook de la Cinémathèque Française, j'ai appris la mort
du cinéaste japonais Nobuhiko
Ôbayashi ce 10 avril 2020. Il a tourné depuis 50 ans une bonne
cinquantaine de films mais je n'ai vu que House
sorti en 1977. J'avais vu le film il y a quelques années quand il
était sorti chez Criterion, jamais édité en France. C'est un film
comme rarement j'en ai vu, une comédie d'horreur avec que des
actrices, le tout filmé en faux décors pour accentuer encore plus
la rêverie, dans un format à l'ancienne 1:37. Le film commence
comme un teen-movie un peu nunuche avec ces lycéennes en uniforme.
Gorgeous
(Kimiko Ikegami) et ses six amies sont lycéennes forment une joyeuse
bande. Avec Fantasy (Kumiko Oba), elles discutent de leurs vacances
qui arrivent sous peu. Gorgeous doit partir avec son père (Saho
Sasazawa), musicien qui affirme que Sergio Leone le trouve meilleur
que Morricone. Il lui présente sa nouvelle fiancée Ryoko (Haruko
Wanibuchi), elle arrive entourée d'un souffle qui fait virevolter
son écharpe. Bien que veuf depuis huit ans, il n’avait jamais eu
de nouvelle petite amie. Gorgeous prend mal la nouvelle et décide
d’écrire à sa tante (Yōko
Minamida) qui habite une maison en pleine campagne pour lui annoncer
sa venue avec ses amies.
La
petite troupe prend le train pour la demeure située au fin fonds de
la campagne. Kung-fu (Miki Jinbo) est une fille énergique qui
pratique le sport. Mac (Mieko Sato) ne pense qu’à manger. Prof (Ai
Matsubara) est une intello, d’ailleurs elle porte des lunettes.
Melody (Eriko Tanaka) joue du piano comme personne. Sweet (Masayo
Miyako) adore faire le ménage. Fantasy aime draguer les garçons et
notamment monsieur Togo (Kiyohiko Ozaki), l’un de leur prof. La
troupe est joyeuse, les filles parlent de tout et de rien. Elles
sourient tout le temps, toute pleine de niaiserie qu'elles sont.
La
tante accueille ces demoiselles avec un grand sourire. Assise sur un
fauteuil roulant, les cheveux blancs et des lunettes noires, elle
porte un gros chat blanc qui était apparu à Gorgeous. Les premiers
mots que prononce la tante est « Vous êtes toutes les sept à
croquer ». Les filles rentrent dans la maison, la tante leur
fait visiter son antre de solitude. L’ambiance est vite joyeuse,
chacune s’occupe des tâches qui leur correspondent le mieux. Il
s’agit de faire à manger, tout d’abord, et Mac va faire
rafraîchir la pastèque achetée en route. Elle la suspend dans le
vieux puits, mais quand Mac va la chercher, elle se fait happer par
le puits.
La
série des disparitions ne fait que commencer. Toutes les filles
commencent à avoir peur. La maison vit et mange les demoiselles.
Cela ne serait qu’un slasher
comme les autres si le film n’était pas aussi barré
s'épanouissant dans un surréalisme qui frôle sans cesse le kitsch
sans jamais s'y engouffrer. Dès le début, il était facile de se
rendre compte que l’ambition du cinéaste est de proposer des
images tantôt hypnotiques tantôt hallucinatoires. Jeux de miroirs
et reflets, effets ralentis, surimpressions et fondus, déformations
anamorphiques, couleurs criardes puis pastel, effets spéciaux
bricolés proches de l'animation.
La
musique joue un grand rôle. Elle est omniprésente et variée, elle
s'accorde à chaque ton de scène. Du piano sirupeux, du free jazz
qui appuie sur les distorsions, de la pop entre le disco et du Frank
Zappa, du rock emporté par une lourde ligne de guitare basse. Le
piano au centre de la maison déchiquettera Melody dans un défilé
de couleurs, ses bras disparaissent puis seuls ses doigts jouent la
mélodie du film. Les effets sonores transforment le séjour en
cauchemar : réverbérations des voix, vent, horloge,
miaulements du chat blanc, voix susurrées telle celle de la poupée
qui supprime Sweet.
Ce
qui frappe le plus est que le rythme ne faiblit jamais. Il faut
supprimer les filles et expliquer aussi les raisons de ces morts.
Sept filles, soit sept manières de les faire mourir. Chacune sera
avalée par la maison démoniaque suivant ce qui la caractérise le
plus. Mais ce qui est encore plus fort est l'humour distillé dans
toutes ces morts, on rit de bon cœur devant l'imagination débordante
du cinéaste, d'autant plus que le film est relativement court
(1h27). Mais ce qu'il faut surtout retenir de ce petit chef d’œuvre
du cinéma japonais totalement à contre courant du film d'horreur
américain ou italien, c'est que le chat est un animal terriblement
diabolique.
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