« J'aimerais
réussir un gros coup et me retirer » dit Pike (William
Holden). « Te retirer de quoi ? » lui répond Dutch
(Ernest Borgnine). Pike veut faire un dernier casse avant la
retraite, un casse minutieusement préparé avec sa bande de
gangsters. Ils arrivent à cheval dans la petite ville choisie,
déguisés en soldats, histoire de passer inaperçus. Ils défilent
tandis pendant le générique avec ses images qui se fixent en noir
et blanc.
Les
noms des gangsters sonnent comme des onomatopées. Outre Pike et
Dutch, voici le vieux Sykes (Edmond O'Brien), un barbu rigolard, les
frères Corch, éternels chamailleurs, Tector (Ben Johnson) porte une
barbe bouc et Lyle (Warren Oates) une moustache, Angel (Jaime
Sanchez), le plus jeune de la bande, Crazy Lee (Bo Hopkins), jeune blondin
qui prend un plaisir manifeste à mettre en joue les clients. Ils
sont une bonne dizaine.
Le
butin espéré est un convoi d'or dans la banque. Schéma classique
du casse. Mais ce que Pike ignore, c'est qu'il a été manipulé. Sur
le toit en face de la banque se trouve une troupe d'hommes excités
comme des puces, qui n'attendent qu'une chose, pouvoir éliminer les
gangsters. Ce sont des chasseurs de prime menés par Thornton (Robert
Ryan) qui se distingue de sa bande par sa tenue correcte quand tous
les autres semblent dépenaillés.
« S'ils
font un mouvement, tuez les tous ». Tel est l'ordre donné par
Thornton. Ils ne vont pas se priver. Une fois les sacs d'or
récupérés, ils sortent. Voici le premier massacre de La Horde
sauvage, violent et brutal comme Sam Peckinpah sait si
parfaitement les mettre en scène. Très impressionnant avec les
différents points de vue, celui d'en haut des chasseurs de prime
pris dans une folie meurtrière, ceux d'en bas Pike et sa bande qui
répliquent.
Seulement
voilà, ils ne sont pas les seuls dans la rue qui séparent les deux
bandes. Avec une ironie que j'apprécie particulièrement, Sam
Peckinpah avait montré quelques minutes plus tôt des bigots en
pleine messe. Ils entendaient faire une procession qui passe au beau
milieu et se font tirer comme des lapins par tout ce beau monde. Ils
seront les victimes supplémentaires du massacre, eux des hommes de
foi se faire massacrer par des hommes sans foi ni loi.
Parce
que si Pike et sa bande s'étaient fait tuer dès le début, le film
durerait 20 minutes, Sam Peckinpah choisit de les faire réussir à
s'échapper. Des chevaux frais les attendent et ils découvrent, avec
joie, le contenu du butin. Dans les sacs, ils ne trouvent que des
rondelles en fer au lieu de pièces d'or. Le traquenard était
double. Lyle Corch qui voulait rien partager avec le jeune Angel se
voit moquer par les autres qui veulent bien lui donner leur
ferraille.
La
retraite que réclamait Pike n'est pas pour tout de suite. Au
contraire, Thornton et sa bande partent à sa poursuite. Dans cette
longue séquence initiale, Sam Peckinpah développait les contrastes
entre les deux bandes. Le spectateur est forcé d'avoir de l'empathie
pour la bande de Pike, pourtant des hors-la-loi, et de mépriser les
chasseurs de prime, gueulards, stupides, moches, pourtant
dépositaires de la loi. C'est ce renversement qui construit le film.
L'opposition
est accentuée par l'absence de noms des membres de la bande de
Thornton, ils restent anonymes et interchangeables (parmi eux L.Q. Jones et Strother Martin). Ce sont des
hyènes (cris et déplacement dans l'espace le prouvent), ce sont eux
les bêtes sauvages de la horde. Le film ne sauve que leur chef,
ancien acolyte de Pike. Ils se connaissent à la perfection, ce qui
permet au cinéaste de rendre évidente la poursuite de l'un par
l'autre, du sud vers le Mexique.
La
bande de Pike devient sympathique avec un double système simple :
l'humour et la compassion. L'humour est surtout dévolu au personnage
de Warren Oates, aux disputes avec son frangin, à sa fringale
sexuelle, à ses gaffes et à son impulsivité. Le film fournit de
nombreux gags, comme celui de la bouteille de whisky que garde Lyle
dans son manteau. Tous vont en boire une large gorgée sauf Lyle,
tous éclatent de rire devant sa déception.
Dans
leur balade, l'équipe croise de nombreux villageois mexicains
pauvres avec lesquels ils partagent un moment, un repas ou des
câlins. Lyle et Tocter sont toujours galants avec les dames. Ils
sont soumis à la loi des plus forts, chassés de leur village,
volés. Pike et ses hommes vont leur rendre justice. C'est le moment
du film où Angel, jusque là peu présent, prend une place plus
importante quand il veut retrouver sa fiancée Teresa.
Teresa
(Sonia Amelio) est partie avec le général Mapache (Emilio
Fernandez). Voici un magnifique portrait d'homme, un homme fou,
colérique, instable comme tous les chefs auto-proclamés. Quand
Angel, fou de jalousie, tire une balle sur Mapache, il tue Teresa.
Mapache se moque que la belle brune soit morte, il n'a aucune
réaction, il accueille même la bande de Pike à sa table mais il
décide de torturer Angel pour le plaisir.
Mapache
serait un enfant qui fait la guerre (notamment contre Pancho Villa
dans un chaos indescriptible). Les enfants sont nombreux dans La
Horde sauvage, ce gamin en uniforme militaire qui suit Mapache, les
enfants des villages mais surtout ceux en tout début de film qui
observent deux scorpions de faire dévorer par des fourmis rouges
avec des rires enfantins contents de leur jeu, comme Mapache ricane
quand il massacre ses hommes avec une mitraillette.
Ces
enfants en début de film, c'est le spectateur du film qui prend du
plaisir à ce qu'il voit. Que regarde-t-il ce spectateur ? Des
massacres gigantesques. Le dernier est une réplique démultipliée
du premier, encore plus d'armes, de victimes et de bruit. Mais mon
moment préféré reste l'attaque du train rempli d'armes, filmé
sans dialogue ni musique, un suspense de haute volée, 10 minutes de
pur génie au mi-temps d'un film d'une beauté trouble et
indéfectible.
1 commentaire:
Je me permets de faire un petit rectificatif casting.
Le petit jeune de la bande de Pike c'est Crazy Lee
interprété par Bo Hopkins (on le retrouvera dans Guet-apens).
T.C, joué par le formidable L.Q Jones, est un des
"charognards" de la bande de Thornton. L'autre étant
joué par le tout aussi formidable Strother Martin.
Je reprends ma lecture.
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