Dans
l'histoire du cinéma, le cinéma suédois muet est oublié. Il était
pourtant des plus vivaces pendant la première guerre mondiale, comme
le cinéma italien muet, les deux s'exportaient, avaient des succès
hors de leurs frontière. Il en est ainsi des mouvements mémoriels
et je ne désespère pas un jour pouvoir voir les films muets de
Victor Sjöström édités en vidéo. En mars avril 2000, j'avais pu
voir à Repérages autour du Vent au CRAC Scène Nationale de Valence
une dizaine de films de Sjöström et de Moritz Stiller, aujourd'hui
je me rabats sur archive.org qui en propose un certain nombre.
Terje
Vigen a longtemps été considéré comme le premier bon film
suédois, j'ai lu ça à la fois dans l'Avant Scène Cinéma
consacrée aux Fraises sauvages (avec Victor Sjöström) et dans le
volume 1 du Brasillac et Bardèche (que je consulte souvent pour
avoir l'avis des critiques qui ont vécu ces temps). Victor Sjöström
joue le personnage éponyme tiré d'un poème, en norvégien, de
Henrik Ibsen. Des intertitres, en norvégien donc, servent de lien
narratif. Dans les premiers plans, Terje Vigen barbu, hirsute, est
dans un cabanon au bord de la mer. Il observe les vagues s'écraser
de sa fenêtre.
C'est
avant l'heure un plan fordien ce cadre de fenêtre qui ouvre sur un
espace restreint, qui engage à aller vers l'histoire, celle d'un
marin qui a tout perdu, qui vit reclus chez lui et qui se souvient.
Le film enchaîne sur un long flash-back de plusieurs bobines, plus
d'une demi-heure avant de revenir à son temps présent. Le procédé
narratif existait mais il ne se contente pas ici d'un simple
souvenir, il participe au suspense du film, à sa construction
dramatique. Pour ce retour en arrière, Victor Sjöström apparaît
glabre, souriant et mari amoureux de sa femme et de leur fille. C'est
un marin intrépide que lequel s'acharne le sort.
C'est
presque un film d'action qui est donné à voir. Filmé en décors
naturels, ceux du nord de la Suède, dans des vraies maisons de marin
et dans des vrais bateaux de pêche. Cela évite l'aspect théâtral,
écueil de certains films muets. La mer défie les hommes, grandes
vagues, écume, houle. L'acteur réalisateur grimpe sur le mat, court
dans tous les sens, fait office de rameur sur sa barque. Le poème
d'Ibsen raconte la résistance des Norvégiens face à un blocus
anglais. Terje est fait prisonnier. Il passe cinq ans dans les geôles
anglaises. C'est quand il est libéré qu'il apprend que sa femme et
sa fille sont mortes de famine, à cause des Anglais et à cause de
lui.
Le
film ne fait pas dans la finesse dramatique surtout dans sa dernière
partie une fois les scènes « d'action » achevées. Il
appuie avec de longs regards ténébreux de Victor Sjöström la
tragédie intérieure qu'il vit. Revenu dans le temps présent,
l'heure de la vengeance sonne. Notre malheureux héros a retrouvé la
trace de l'officier anglais, il va le tuer mais quand l'officier, qui
semble ne se douter de rien – tant de temps a passé – lui
présente sa femme et sa fille, Terje comprend qu'il ne peut pas
faire subir ce qu'il a subi. Enfin apaisé, il salue dans un dernier
geste l'officier qui s'en va sur un navire où le drapeau norvégien
est dressé sur le mat.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire