Ils
se sont mis à quatre pour faire leur premier film, huit bras et huit
yeux. Ils se sont rencontrés à l'académie de cinéma de Luc
Besson, L'Ecole de la Cité, ce qui a prêté à un joli quiproquo
quand deux d'entre quatre sont venus présenter le film à Grenoble
puisqu'une spectatrice croyait qu'ils disaient l'école de la cité,
soit des quartiers difficiles, comme on dit l'école de la rue. La
cité de Luc Besson, c'est la Cité du cinéma, son immense studio à
la Seine-Sainte-Denis.
Pour
un documentaire sur l’illettrisme, ils avaient rencontré Daniel
Vannet, bon gros bébé de 50 ans, chauve et bigleux. Ils en ont fait
le héros de leurs deux premiers courts-métrages (Ich bin eine
Tata et Perrault, La Fontaine, mon cul) et dans Willy
1er il joue deux frères, Michel et Willy, des jumeaux qui vivent
dans un coin perdu de la France rurale. Ils habitent chez leurs
parents. Ils font du drifting en bagnole dans une carrière. Un jour
Michel se suicide et Willy se retrouve tout seul.
Il
faut dire un mot sur Daniel Viannet, sur son physique massif que les
quatre réalisateurs prennent plaisir à mettre à nu (il fait penser
à Gérard Depardieu dans Valley of love), un homme à
l'élocution difficile comme Jean-Claude Rémoleux, l'un des acteurs
fétiches de Jean-Pierre Mocky, une bizarrerie dans le cinéma, un
corps hors norme qui décide de enfin vivre sa vie sans ses parents,
de trouver un boulot (hilarante scène d'embauche) et d'avoir un
appartement.
Willy
1er s'apparente à un road movie au ralenti. Notre héros marche
lentement, se déplace dans la campagne à la ville (Caudebec en
Normandie) en scooter. Il veut s'incruster chez sa curatrice (Noémie
Lvovsky, la seule « actrice » professionnelle) qui l'a
hébergé pour une nuit. Willy est poussé vers la sortie à cause de
ses insultes, il n'y va pas avec le dos de la cuiller comme si tout
lui était dû. Il prend des atours assez inquiétants et Noémie
Lvovsky a de quoi se faire du souci.
Alors
comme le proclament les chapitres, il l'aura son petit appartement,
un logement froid avec ses murs blancs comme dans tous les minuscules
apparts, des volets coulissants et des plaques pour faire cuire sa
bouffe. Il est loin de la ferme de ses parents à la déco un peu
kitsch, à l'image de cette vidéo faite à la mort du jumeau, ce
genre de vidéos qui hantent youtube bourrées de fautes
d'orthographe sur des images violettes de dauphins et de bouquets de
fleurs.
Seul,
il cherche maintenant à se faire des amis, une nouvelle famille. Au
Carrefour où il occupe le poste enviable d'agent du nettoyage (entre
autres tâches ingrates), il rencontre un autre Willy (Romain Léger),
tout l'inverse du premier Willy. Jeune, grand, mince, cheveux
décolorés. Les rapports sont d'abord houleux, ils se disputent sur
leur machine à nettoyer. Puis, ils s'acclimatent en douceur. Ils
s'invitent ensuite à manger (« t'aimes le riz ? je te
ferai du riz » dit Willy 1er).
Seulement
voilà, les autres potes de Willy 1er. Brice, Patrick et Gilles,
vraies gueules à la Mocky eux aussi, veillent à profiter du gentil
naïf. L'un emprunte son scooter, un autre se moque de Willy 2 qu'il
appelle Chantal, le dernier le force à payer son coup. La grande
question de Willy 1er est donc de savoir comment Willy va se dépêtrer
entre son nouvel ami gay et transformiste et ses potes beaufs qui s'engluent dans dans la mesquinerie. Les sourires, quand Willy comprend qui est « Chantal », mettent mal à l'aise.
Willy 1er est un
premier film modeste parfois rigolo, un peu OVNI sur les gens en
marge, que les quatre réalisateurs filment frontalement. J'ai souvent pensé au cinéma de Kervern et Delépine, première période, quand ils filmaient la pauvreté, et à un autre film rarement vu, franchement oublié, Jacqueline dans ma vitrine unique film de Philippe Pollet-Villard et Marc Adjadj, autre variation sur les corps incongrus lancé dans un monde conformiste et qui ne s'en sort pas.
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