Comme
d'autres lisent le Prix Goncourt ou achètent le dernier iPhone, je
vais voir chaque année la Palme d'or. Cette année Moi, Daniel
Blake de Ken Loach, 100 minutes, ce qui est très bien pour moi,
j'aime les films courts et j'avais souffert avec La Vie d'Adèle
et Winter sleep (plus de trois heures). Dix ans après Le
Vent se lève que j'avais mollement apprécié, je me retrouve
devant un bien joli film d'une grande simplicité, d'une redoutable
efficacité et paradoxalement très joyeux. Car le sujet n'est pas
tout rose.
Daniel
Blake (Dave Johns) est un charpentier en arrêt de travail après une
crise cardiaque. Son médecin, son kiné lui ont imposé de ne plus
travailler. Quand commence le film, il est au téléphone avec une
« professionnelle de la santé » pour demander une
indemnisation pendant son chômage forcé. Mais on lui déclare qu'il
est tout à fait apte au travail. La « professionnelle »
lui demande s'il peut lever les mains, s'il peut appuyer sur les
touches, il répond, agacé, qu'il est malade du cœur et pas des
bras ou des mains.
Puis,
c'est une visite à l'agence pour l'emploi locale. Des bureaux où
les agents reçoivent les chômeurs sans sourire. Un vigile veille à
ce que personne n'élève la voix. Un homme ventile les demandeurs
d'emploi. Daniel Blake attend sagement son tour et il est reçu par
Sheila (les agents portent un badge avec uniquement leur prénom),
aussi aimable qu'une porte de prison et aussi compréhensive qu'un
garde chiourme. C'est le début d'un parcours du combattant pour le
vieil homme de presque 60 ans.
Impossible
de ne pas penser à l'excellente série britannique Little Britain
où une femme déclarait à chaque personne qu'elle recevait
« computer says NO ». Rien ne sera épargné à Daniel
Blake. Sous peine de sanctions lourdes, il est obligé de passer 35h
à cherche du boulot, à aller à une formation sur le CV et rendre
compte, avec des preuves, de ses recherches d'emploi. Sauf qu'il n'a
pas le droit de travailler parce qu'il est gravement malade. Cercle
vicieux que Ken Loach décrit avec patience et clarté.
Lors
de certaines scènes, on se croirait dans une tyrannie où les agents
reçoivent des ordres de décourager les demandeurs d'aide sociale.
Ils espèrent qu'ils abandonneront les démarches. Le regard effrayé
d'Ann, agent du Pôle emploi, qui voulait aider Daniel, raconte tout
le système vicié dans lequel le gouvernement britannique a enfermé
ses travailleurs. Un film à montrer à tous les démagogues qui
vantent le « modèle » anglais et les politiciens de
métier qui parlent des assistés.
Si
je dis que Moi, Daniel Blake est un film joyeux, c'est parce
que son personnage arbore constamment un petit sourire ironique.
C'est aussi parce que ses deux voisins de palier, deux jeunes en
colocation, apportent un peu d'humour. L'un d'eux appelé China fait
des petits trafics de chaussures de sport, l'autre rigole un peu
bêtement. Daniel gronde gentiment China qui laisse chaque jour sa
poubelle devant la porte. « Tiens, t'as mangé du poulet indien
hier ». dit-il en sentant la carcasse dans le sac poubelle.
Le
portrait de Daniel Blake ne serait pas complet sans évoquer sa
rencontre amicale avec Katie (Hayley Squires), jeune maman de deux
enfants Daisy et Dylan, débarquée de Londres à Newcastle. Puisque
les services sociaux les traitent pis que pendre, Daniel va prendre
soin d'elle et des enfants, leur offrir un peu de sa joie de vivre.
Ken Loach traite avec une infinie tendresse cette amitié naissante,
cette complicité, les errements de Katie, les rapports avec les
enfants. Oui, je le dis, j'ai aimé ce film de Ken Loach.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire