Regarder
les deux versions de L’Enfer des armes de Tsui Hark du
coffret DVD de Metropolitan HK Vidéo est une épreuve. Quel que soit
le sens, version remontée officielle ou version originale censurée,
le film est une épreuve pour les nerfs. Tsui Hark n’y va pas avec
le dos de la cuiller dans la violence pour son troisième film. On
est pris aux tripes parce que le film est contemporain de son époque
et non pas un film en costumes, parce que l’aspect burlesque et
grotesque de Butterfly murders et Histoires de cannibales
a disparu.
Un
jour de pluie, le désœuvrement de la jeunesse est en action.
Wan-chu (Lin Chen-chi) s’amuse à planter une aiguille dans le
crâne d’une des souris qu’elle élève. La souris couine et
tourne en rond sous le regard satisfait et sadique de la jeune femme.
Disons le tout net, ce regard est censé évoquer celui des gardes
rouges de la révolution culturelle. Sa dureté ne cessera tout au
long du film. Wan-chu s’habille d’ailleurs d’un pantalon bleu
et d’une veste au col Mao qui évoque encore une fois les sombres
gardes rouges.
Dans
un autre lieu de Hong Kong, un immense immeuble des bas quartiers, Ko
(Che Biu-law) et Loong (Lung Tin-sang) s’ennuient tout autant. Ils
partent sous la pluie battante voir leur ami Paul (Albert Au), qui
lui vit dans un quartier plus riche. Ses parents sont de meilleure
condition, ils ont même une domestique tandis que chez Ko et Loong,
toute la famille vit dans une seule pièce dans la promiscuité. Paul
emprunte la voiture de son père mais ne sait pas conduire. Une
erreur de conduite provoque la mort d’un passant. Wan-chu est
témoin de l’accident.
Les
trois garçons sont lycéens ou étudiants mais jamais on ne les
verra travailler. Wan-chu, en revanche, bosse dans une fabrique de
magazines. Elle s’embrouille avec une collègue, lui lance un seau
d’encre noire sur la tête, se fait renvoyer tandis que son
assistante sociale lui conseille de revenir dans le droit chemin.
Mais dès qu’elle croise les trois garçons, tous binoclards, tous
en chemise blanche et jeans, elle suit leur route et l’aventure
vers l’enfer des armes commence. Ils vont faire les 400 coups et
notamment trouver des billets de banque japonais qu’ils vont tenter
de changer en HK$. Sauf que l’argent appartient à des très
méchants.
Dans
le même temps, la police enquête sur un trafic d’armes qui a lieu
à Hong Kong. Les armes sont interdites par la loi, et le film dans
son pré-générique nous informe que les explosifs le sont aussi. On
suit les forces de police dans divers lieux interlopes notamment une
boite de nuit gay où John Sham cherche Michel, un indic. Tan (Lo
Lieh), le propre frère de Wan-chu, enquête de son côté sur des
explosions criminelles dont l’une a lieu dans un cinéma. Tan n’est
pas un flic très réglementaire. Il s’énerve très vite et drague
à tout va, il est un peu l’archétype du personnage inventé par
Danny Lee est très à la mode à cette époque dans le cinéma de
Hong Kong.
Ou
bien alors… C’est une toute autre histoire. Celle que l’on
découvre dans la version censurée montre les trois garçons
fabriquer de petits explosifs et les faire exploser dans divers lieux
publics : un cinéma, une pissotière. Là, le personnage de Lo Lieh
prend une plus grande importance d’autant que l’histoire de
trafic d’armes n’existait pas. Wan-chu repère les garçons dans
le cinéma où ils ont déposé la bombe et les poursuit, puis les
rattrape, dans un tunnel qui évoque Orange mécanique. Elle leur
propose de devenir leur amie mais elle prend très au sérieux son
rôle de destructrice alors que les trois garçons ne semblent faire
cela que par amusement, s’il en est.
La
bande des quatre va devoir affronter plusieurs ennemis qui vont
chercher à récupérer l’argent japonais. Wan-chu avait balancé
de sa fenêtre un pauvre chat en début de film, chat qui sera empalé
et déchiqueté, les vilains vont faire la même chose avec la jeune
femme. Les garçons fuiront dans un cimetière loin de l’agitation
mais ils seront vite retrouvés et devront faire face aux armes des
mafieux. Ils décideront de se suicider sans succès. C’est de
toute façon la mort qui les attend et de manière particulièrement
violente.
La
force de L’Enfer des armes n’a pas pris une ride depuis
1981. Quand Lo Lieh se met à frapper sa petite sœur et l’envoie à
l’autre bout de la pièce, on a mal. Quand Tsui Hark filme les
regards terrifiés de Ko, Loong et Paul face à la bande armée,
c’est le spectateur qui a peur. C’est son art génial du montage
qui crée le film, la scène de la défenestration du chat est à ce
titre exemplaire. C’est une œuvre brute qui a fortement déplu au
public qui n’est pas allé voir le film, comme il s’abstiendra
quinze ans plus tard avec The Blade. Tsui Hark pour continuer
de travailler est allé faire deux ou trois comédies. Petit détail
: dans la bande originale du film, on peut entendre quelques notes de
Echoes de Pink Floyd et un long moment de Jean-Michel Jarre.
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