vendredi 7 octobre 2016

Le Grand sommeil (Howard Hawks, 1946)

Dans la bande annonce du Grand sommeil, Humphrey Bogart est dans une librairie pour acheter un bon bouquin. La libraire lui conseille de lire The Big sleep, comme un gag sur l'enquête qu'il va mener dans la film de Howard Hawks. L'une des légendes tenaces (et sans aucun doute véridique) sur le film est de dire que le cinéaste n'avait jamais compris le scénario. La bande annonce se focalise sur les rapports entre son personnage, Philip Marlowe, et celui de Lauren Bacall, tout jeune couple du cinéma hollywoodien rencontré un an plus tôt sur le tournage du Port de l'angoisse. Warner Bros décide de capitaliser sur Bogart et Bacall. Peu importe que Howard Hawks n'ait rien compris au scénario de son film, il l'a probablement dit, mais cela aussi ça devait être pour la publicité. Mais surtout, il ne faut pas avoir sommeil pour regarder le film.

Je n'avais pas revu Le Grand sommeil depuis 20 ans et ce qui m'a frappé dans cette seconde vision est l'humour des dialogues et répliques, et cela dès le début quand Marlowe pénètre dans la demeure des Sternwood. Hawks prend bien soin de ne pas entrer directement dans le vif du sujet, bien au contraire, une conversation badine s'entame entre Marlowe et Carmen Sternwood (Martha Wickers), où la jeune femme, vêtue d'une jupette, déploie une insolence et une ironie face au détective, jusqu'à tenter de l'embrasser. Plus tard, sa rencontre avec la sœur de Carmen ne se passera pas aussi bien. Cette sœur est Vivian Rutledge (Lauren Bacall) que Marlowe appellera pendant tout le film Mrs Rutledge, il ne dira jamais son prénom. Plus que l'enquête qu'il doit mener, ce qui intéresse est le récit de la conquête de Vivian par Marlowe. Entre eux, c'est une screwball comedy, avec les autres personnages, un film noir.

Vivian ne se laisse pas séduire par Marlowe. Leurs échanges sont vifs, secs et sarcastiques, mais souvent très drôles. En revanche, le détective privé passe son temps à rencontrer des femmes qui semblent toutes disposées à se laisser séduire, comme Carmen. A cette libraire (Dorothy Malone) qu'il interroge sur le voisin d'en face, il va proposer se boire un verre de whisky et d'enlever ses lunettes. A la chauffeuse de taxi (Joy Barlowe) qui prend en filature un suspect, il offre un cigare et elle lui donne son numéro de téléphone, quand il demande s'il peut l'appeler jour et nuit, elle rétorque « euh, la nuit, c'est mieux, le jour je travaille. » L'autre femme qui résiste est Agnes (Sonia Darrin), mais Marlowe est allé dans sa librairie pour l'interroger, mais déguisé en intello, pas étonnant qu'elle ne succombe pas au charme. Les hommes, en revanche, deviennent tous des adversaires passant leur temps à braquer leur flingues en face de lui

Le Grand sommeil est une suite de séquences dialoguées, et avec brio. Marlowe caresse régulièrement son oreille, il discute dans la serre tropicale de Sternwood et en sort trempé de sueur, il s'amuse à compter les revolvers qui lui arrivent dans les mains, il fait des canulars téléphoniques avec Vivian après avoir appelé la police, ils font croire que celui qu'ils ont au bout du fil est celui qui a appelé. Le récit devient complexe tout simplement parce que le nombre de personnages ne cesse d'augmenter et que Marlowe est, en début de film, dans la même position que le spectateur : il ne sait rien. Sauf qu'il est détective. Si nous n'arrivons pas à monter les séquences bout à bout, chacune d'entre elles séparément offre du plaisir. Marlowe lui, parvient à tout comprendre, tout en donnant physiquement de sa personne. Au bout du compte, non seulement il résout cette affaire (dont je n'ai absolument pas parlé) mais en plus il séduit Vivian. C'est la magie du cinéma.
























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