samedi 8 octobre 2016

Le Viager (Pierre Tchernia, 1972)

Pierre Tchernia est mort aujourd'hui, il avait 88 ans. Je me rappelle avoir regardé ses émissions cinéma quand j'étais adolescent, Monsieur Cinéma s'est arrêté en 1988, puis, de temps en temps, j'avais zieuté les Enfants de la télé où Arthur parvenait, parfois, à ne pas l'interrompre. C'était toujours de jolies anecdotes sur le cinéma, et cela bien avant que je m'intéresse au cinéma, une manière démocratique d'en parler en tout cas. En tant que lecteur fanatique des albums d'Astérix, on pouvait le voir souvent croqué par Uderzo dans certaines aventures avec son grand visage rond si sympathique notamment dans Astérix en Corse, le meilleur album, en tant que centurion fuyant le camp fortifié de Babaorum le jour de l'anniversaire de Gervovie.

C'est justement avec le génial René Goscinny qu'il a écrit le scénario de son meilleur film Le Viager. Pierre Tchernia a collaboré à l'écriture des aventures d'Astérix en animation et réalisé quatre longs-métrages de cinéma Le Viager en 1972, Les Gaspards en 1974, La Gueule de l'autre en 1979 et Bonjour l'angoisse en 1988, chaque fois Michel Serrault a été l'interprète vedette de ses films. Dans Le Viager, il est Louis Martinet un employé modeste qui prend sa retraite au début de l'histoire. Célibataire, Martinet après avoir passé tant d'années dans son boulot, décide de se retirer dans sa masure de Saint-Tropez. Son médecin Léon Galipeau (Michel Galabru) devant l'âge avancé de son patient en cette période d'avant guerre (les années 1930) propose à Martinet de prendre sa maison en viager.

Comme le raconte très bien la courte séance d'animation (dessinée par Gotlib et racontée par un enfant), un viager est une rente versée par des locataires au propriétaire et quand le propriétaire décède, la maison de Saint-Tropez devient la propriété des Galipeau. Quelle aubaine se dit le Léon avec sa conviction toute personnelle. L'un des gags récurrents du film est d'entendre Michel Galabru sortir à sa famille « faites-moi confiance ». Le médecin est convaincu que Martinet n'en a plus que pour quelques mois, comme le suggère habilement la séquence de Noël où, seul, notre homme passe son réveillon à ingurgiter une cuiller d'huile de foie de morue en guise de gueuleton. Evidemment, le malade qu'est censé être Martinet selon le bon docteur Galipeau ne veut pas mourir et les loyers vont continuer à être versés pendant des décennies.

Pierre Tchernia et René Gosciny soignent aux petits oignons cette histoire de France qui se déroule sur une quarantaine d'années, de la retraite de Martinet jusqu'à ses 100 ans. Martinet est l'incarnation de la bonté, du bon esprit français, du bon sens près de chez vous. Toujours prêt à rendre service et toujours volontaire, le bonhomme ne se rend pas compte qu'en face de lui, il a une famille de rapiats. Outre Léon le médecin incapable de faire un bon diagnostic, il a son frère Emile (Jean-Pierre Darras), pleutre et influençable, sa belle-sœur Elvire (Rosy Varte) acariâtre et vénale et son épouse Marguerite (Odette Laure) idiote mais gentille. Une vraie famille de Français moyens qui va tout faire pour éliminer le gentil Martinet, pauvre homme qui croit que les Galipeau ne veulent que son bien.

L'humour déployé dans le film réside dans cette opposition entre les deux camps. Les fêtes de Noël scandent le film avec Marguerite qui apporte à chaque réveillon du boudin blanc (un mets qu'Elvire déteste) et l'anniversaire du petit Noël, né justement à Noël. Pendant l'été, les actualité semblent toujours les mêmes (commentaires audio de Roger Carrel, la voix d'Astérix). Les Galipeau reçoivent chaque année un carte postale de Martinet leur annonçant qu'il se porte comme un charme. Mais le bon docteur Emile annonce, chaque année, que leur viager va mourir, « faites-moi confiance ». De temps en temps, les Galipeau viennent à Saint-Tropez rendre visite à leur propriété et offrent un olivier à Martinet. Au bout de quelques années, le vieillard leur envoie une bouteille d'huile d'olive, sous les sarcasmes d'Elvire.

Les meilleurs moments du Viager ont lieu pendant la seconde guerre mondiale. Elvire a la judicieuse idée d'envoyer une lettre de délation. Elle écrit que Martinet est résistant. Mais le facteur, prenant le maquis, ne délivre pas la lettre au responsable du lieu (Yves Robert) et, après la guerre, la lettre est retrouvée et Martinet est célébré comme un héros. Petit à petit, tous les Galipeau meurent, lassés d'avoir tant attendu. C'est Noël (Claude Brasseur) devenu gangster qui tentera de se débarrasser de Martinet, aidé par un acolyte interprété par un Gérard Depardieu à ses tout débuts (il n'avait joué que dans Nausicäa d'Agnès Varda et dans Nathalie Granger de Marguerite Duras). Dans le finale du film, Pierre Tchernia joue son propre rôle et interviewe pour la télé Martinet devenu le centenaire de Saint-Tropez. Adieu l'ami Tchernia !
























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