Pierre
Tchernia est mort aujourd'hui, il avait 88 ans. Je me rappelle avoir
regardé ses émissions cinéma quand j'étais adolescent, Monsieur
Cinéma s'est arrêté en 1988, puis, de temps en temps, j'avais
zieuté les Enfants de la télé où Arthur parvenait, parfois, à ne
pas l'interrompre. C'était toujours de jolies anecdotes sur le
cinéma, et cela bien avant que je m'intéresse au cinéma, une
manière démocratique d'en parler en tout cas. En tant que lecteur
fanatique des albums d'Astérix, on pouvait le voir souvent croqué
par Uderzo dans certaines aventures avec son grand visage rond si
sympathique notamment dans Astérix en Corse, le meilleur album, en
tant que centurion fuyant le camp fortifié de Babaorum le jour de
l'anniversaire de Gervovie.
C'est
justement avec le génial René Goscinny qu'il a écrit le scénario
de son meilleur film Le Viager. Pierre Tchernia a collaboré à
l'écriture des aventures d'Astérix en animation et réalisé quatre
longs-métrages de cinéma Le Viager en 1972, Les Gaspards
en 1974, La Gueule de l'autre en 1979 et Bonjour l'angoisse
en 1988, chaque fois Michel Serrault a été l'interprète vedette de
ses films. Dans Le Viager, il est Louis Martinet un employé
modeste qui prend sa retraite au début de l'histoire. Célibataire,
Martinet après avoir passé tant d'années dans son boulot, décide
de se retirer dans sa masure de Saint-Tropez. Son médecin Léon
Galipeau (Michel Galabru) devant l'âge avancé de son patient en
cette période d'avant guerre (les années 1930) propose à Martinet
de prendre sa maison en viager.
Comme
le raconte très bien la courte séance d'animation (dessinée par
Gotlib et racontée par un enfant), un viager est une rente versée
par des locataires au propriétaire et quand le propriétaire décède,
la maison de Saint-Tropez devient la propriété des Galipeau. Quelle
aubaine se dit le Léon avec sa conviction toute personnelle. L'un
des gags récurrents du film est d'entendre Michel Galabru sortir à
sa famille « faites-moi confiance ». Le médecin est
convaincu que Martinet n'en a plus que pour quelques mois, comme le
suggère habilement la séquence de Noël où, seul, notre homme
passe son réveillon à ingurgiter une cuiller d'huile de foie de
morue en guise de gueuleton. Evidemment, le malade qu'est censé être
Martinet selon le bon docteur Galipeau ne veut pas mourir et les
loyers vont continuer à être versés pendant des décennies.
Pierre
Tchernia et René Gosciny soignent aux petits oignons cette histoire
de France qui se déroule sur une quarantaine d'années, de la
retraite de Martinet jusqu'à ses 100 ans. Martinet est l'incarnation
de la bonté, du bon esprit français, du bon sens près de chez
vous. Toujours prêt à rendre service et toujours volontaire, le
bonhomme ne se rend pas compte qu'en face de lui, il a une famille de
rapiats. Outre Léon le médecin incapable de faire un bon
diagnostic, il a son frère Emile (Jean-Pierre Darras), pleutre et
influençable, sa belle-sœur Elvire (Rosy Varte) acariâtre et
vénale et son épouse Marguerite (Odette Laure) idiote mais
gentille. Une vraie famille de Français moyens qui va tout faire
pour éliminer le gentil Martinet, pauvre homme qui croit que les
Galipeau ne veulent que son bien.
L'humour
déployé dans le film réside dans cette opposition entre les deux
camps. Les fêtes de Noël scandent le film avec Marguerite qui
apporte à chaque réveillon du boudin blanc (un mets qu'Elvire
déteste) et l'anniversaire du petit Noël, né justement à Noël.
Pendant l'été, les actualité semblent toujours les mêmes
(commentaires audio de Roger Carrel, la voix d'Astérix). Les
Galipeau reçoivent chaque année un carte postale de Martinet leur
annonçant qu'il se porte comme un charme. Mais le bon docteur Emile
annonce, chaque année, que leur viager va mourir, « faites-moi
confiance ». De temps en temps, les Galipeau viennent à
Saint-Tropez rendre visite à leur propriété et offrent un olivier
à Martinet. Au bout de quelques années, le vieillard leur envoie
une bouteille d'huile d'olive, sous les sarcasmes d'Elvire.
Les
meilleurs moments du Viager ont lieu pendant la seconde guerre
mondiale. Elvire a la judicieuse idée d'envoyer une lettre de
délation. Elle écrit que Martinet est résistant. Mais le facteur,
prenant le maquis, ne délivre pas la lettre au responsable du lieu
(Yves Robert) et, après la guerre, la lettre est retrouvée et
Martinet est célébré comme un héros. Petit à petit, tous les
Galipeau meurent, lassés d'avoir tant attendu. C'est Noël (Claude
Brasseur) devenu gangster qui tentera de se débarrasser de Martinet,
aidé par un acolyte interprété par un Gérard Depardieu à ses
tout débuts (il n'avait joué que dans Nausicäa d'Agnès
Varda et dans Nathalie Granger de Marguerite Duras). Dans le
finale du film, Pierre Tchernia joue son propre rôle et interviewe
pour la télé Martinet devenu le centenaire de Saint-Tropez. Adieu
l'ami Tchernia !
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