Pendant
que les pavillons Baltard étaient détruits par les pelleteuses de
Pompidou, Marco Ferreri décide de réunir les quatre gars de La
Grande bouffe et de passer l'été à tourner un western. Adieu
les complets vestons et les sous-pulls, bonjour les uniformes de
l'armée américaine. Après tout quoi de plus logique, le général
Custer a mené ses plus grosses guerres contre les Indiens, celles
que Raoul Walsh a rendues sublimes dans La Charge fantastique,
justement quand Baltard construisait ses halles.
Ainsi
par ordre d'apparition à l'écran, Philippe Noiret est le général
Terry, vaguement à la retraite et que des hommes cravatés
commandités par le Président Nixon vont charger de massacrer les
Indiens. Arrive le général Custer (Marcello Mastroianni) flanqué
de Mitch (Ugo Tognazzi) son éclaireur, renégat Indien. Enfin, pour
compléter la troupe, Buffalo Bill (Michel Piccoli) arrive avec son
cirque et Calamity Jane. Le film joue sur le glissement anachronique,
en 100 ans, rien n'a changé.
Dans
les quelques scènes extérieures, et notamment celles où Custer va
dédicacer son livre dans une librairie, on remarque que les
Parisiens observent les stars s'amuser comme des enfants à jouer aux
cow-boys et aux indiens. Palme du cabotinage à Custer, il grimace,
il éructe et il se met au garde à vous à chacune de ses arrivées
en tapant du talon sur le sol, énervant le pauvre général Terry,
il frappe les hommes cravatés (on les appellera des lobbyistes) qui
oseraient des familiarités.
Et
au milieu de ces hommes, deux mondaines Sister Lucy (Monique
Chomette) et Marie-Hélène de Boismonfrais. Catherine Deneuve pour
ce rôle de femme effarouchée s'est équipée d'une chevelure
rousse. C'est à elle qu'on doit les répliques les plus drôles, les
plus singulières, les plus ironiques. Après avoir aidé un
vétérinaire (Darry Cowl génial) à empailler des Indiens avec des
journaux, elle refuse, les mains pleines de sang, une tasse de café
« ah non, c'est trop fort pour moi ».
C'est
magnifique ce duo que Catherine Deneuve forme avec Marcello
Mastroianni (tellement plus percutant que leur précédent film
ensemble L’Evénement le plus important depuis que l'homme a
marché sur la lune de Jacques Demy), chacun sort les pires
horreurs sur les Indiens, vantent la beauté de la guerre, exaltent
la pureté de leur amour naissant avec un air de ne pas y toucher
(ah, la scène de baise sous le portrait de Nixon). Elle avec un
visage mutin et une fausse innocence, lui joue au grand seigneur et
est fier d'aller massacrer.
Dans
le trou du futur Forum des Halles, Marco Ferreri place ses Indiens et
leur chef Taureau Assis (Alain Cuny) et son fou (Serge Reggiani),
pratiquement nu qui exhorte le chef à combattre Custer. Derrière
eux, les Indiens figurants joués par des Maghrébins, des Italiens,
des Portugais comme le disait le cinéaste, tous les rejetés de la
France de 1973. Et le miracle de Touche pas à la femme blanche
est d'imprimer la réalité quand les cinéastes américains ne
faisaient que raconter des légendes.
Derrière
le burlesque des situations, derrière le grotesque de l'accent
anglais forcé de Michel Piccoli, derrière les grands discours des
hommes de Nixon, derrière la bêtise crasse de Custer et
Marie-Hélène se cachent l'horreur de l'histoire de la poursuite du
bonheur, du rêve américain et de la dernière frontière, ces
utopies fallacieuses. Les immeubles de Paris, les pelleteuses et les
barrières en plastic n'empêchent jamais de rendre tangible la
réalité de la vie des Indiens en 1870 comme une métaphore de la
vie des immigrés d'aujourd'hui.
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