Ma
chanson préférée dans Peau d'âne est celle qu'entonne la
Fée des lilas (Delphine Seyrig) quand sa filleule la Princesse
(Catherine Deneuve) vient lui raconter ses malheurs. « La
situation mérite attention » lui chante-t-elle en détachant
chaque syllabe pour bien qu'elle se fasse comprendre. La Fée,
puisque c'est une fée, est au courant de tout. Avec un calme
olympien face à l'angoisse de la Princesse, elle prend même le
temps de changer de robe. Le jaune ne lui va pas, elle revêt une
robe mauve.
« Mais,
de grâce, écoutez, j'ai tout manigancé », termine la Fée.
Le Roi (Jean Marais) si aimé de ses peuples, et pour qui la Fée des
lilas a quelque rancune, se trouve veuf (la Reine était également
jouée par Catherine Deneuve) et désespéré de chagrin. Les
ministres lui conseillent de trouver une nouvelle épouse, mais la
Reine a fait promettre qu'il ne se marierait que s'il trouve une
femme « plus belle et mieux faite » qu'elle. Toutes sont
hideuses ou borgnes, sauf une Princesse, sa propre fille. Il décide
de l'épouser.
Pour
« oublier cet hymen insensé », la Fée manigance de
défier le Roi. La Princesse demandera une robe couleur du temps
(« le beau temps, mon père »), puis une robe couleur de
lune, enfin de soleil. Chaque fois, les couturiers parviennent à
coudre ces robes et chaque fois la Fée met la barre plus haut. La
Princesse acceptera de se marier si son père lui offre la peau de
son âne banquier. En effet, l'animal chie des pièces d'or et des
pierres précieuses.
L'argent
n'a pas d'odeur mais la peau de l'âne est une infection, le
déguisement parfait pour la Princesse qui deviendra Peau d'âne.
Elle s'enfuira du château (au ralenti) pour devenir la souillon dans
un royaume proche. L'une des bizarreries du film est que personne n'a
de nom. Le Roi, la Princesse, la Reine, la Fée, puis le Prince
(Jacques Perrin) ou encore la vieille qui crache des crapauds et
devient la patronne de Peau d'âne, encore une absence de nom.
En
revanche, Jacques Demy s'amuse à citer les noms de personnages de la
littérature. Le Marquis de Carabas (issu du Chat botté) vient au
bal des chats et des oiseaux de la mère du Prince (Micheline
Presle). Plus tard, un laquais présentera Mesdames de Ségur et de
Clèves. De la même manière, les Royaumes n'ont pas de nom. Celui
du Roi est bleu, celui du Prince est rouge. Les tenues des officiers
et laquais et les robes des chevaux sont ainsi aux couleurs des
royaumes.
Le
Prince s'ennuie. Pour passer le temps, il se promène, seul, en forêt
et découvre que dans une cabane habite Peau d'âne. Lui voit une
princesse, forcément, vêtue de sa plus belle robe. Revigoré mais
malade d'amour, il communie avec elle par la pensée avec la chanson
sur leurs rêves secrets. « Nous irons ensemble à la buvette,
Nous fumerons la pipe en cachette, Nous nous gaverons de pâtisseries,
Mais qu'allons-nous faire, de tous ces plaisirs ? Il y en a tant sur
Terre. »
Ma
seconde chanson préférée est celle du cake d'amour. Le Prince pour
se guérir de sa maladie d'amour exige que Peau d'âne cuise un
gâteau. Elle se dédouble grâce à la baguette que sa marraine la
Fée lui a donnée. Peau d'âne lira la recette « Préparez
votre, préparez votre pâte, dans une jatte, dans une jatte plate »
tandis que la Princesse amalgame les ingrédients, sans oublier d'y
glisser un anneau que le Prince va découvrir.
C'est
le défilé des femmes du Royaume pour essayer l'anneau. Ils se
marièrent et eurent beaucoup d'enfants. Le Roi et la Fée des lilas,
enfin réconciliés, arrivent au château rouge en hélicoptère.
Rien d'anachronique à cela. Le Roi, en début de film, déclarait
que la Fée pouvait aller dans le futur. Il lit d'ailleurs à la
Princesse des poèmes de Jean Cocteau et d'Appolinaire. Et la Fée a
un téléphone dans sa demeure. Une fée résolument moderne et une
femme de notre temps.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire