Vendredi
matin, les marins quittent la ville pour faire des manœuvres tandis
que les forains rentrent en ville pour animer la kermesse. Le thème
musical d'ouverture composé par Michel Legrand entremêle chaque
refrain des chansons passées, depuis 1967, à la postérité. Le
pont suspendu porte les forains au dessus de la rivière Charente et
ils esquissent, tout en douceur, quelques pas de danse autour des
camions. Parmi ces forains, Etienne (George Chakiris) et Bill (Grover
Dale) accompagnés de deux demoiselles, Judith (Pamela Hart) et
Esther (Leslie North), avec lesquelles ils font un numéro pour la
kermesse.
Au
centre du film, la grande place de Rochefort où les forains
commencent à installer leurs attractions. Et autour de cette place,
les différents lieux où se trouvent chaque personnage. La chambre
de Delphine et Solange (Catherine Deneuve et Françoise Dorléac), la
blonde et la rousse, la baraque à frites de leur mère Yvonne
Garnier (Danielle Darrieux), le magasin de musique de Monsieur Dame
(Michel Piccoli), la galerie d'art de Guillaume (Jacques Riberolle)
et l'entrée de l'école du petit Boubou, le dernier fils d'Yvonne.
Le but du jeu de faire entre tous les personnages un chassé-croisé
où ils se manquent, se toisent, s'évitent, se disputent et
éventuellement s'aiment.
La
chambre des demoiselles donne sur la place de Rochefort et les
forains préparent la kermesse, mais Delphine et Solange ne voient
rien. Elles imaginent, dans la chanson des jumelles, vivre le grand
amour mais pas à Rochefort, elles veulent partir à Paris. Pendant
ce temps, un jeune marin, le blond Maxence (Jacques Perrin) désespère
de trouver le grand amour. Maxence est artiste peintre. D'habitude il
fait de l'abstrait mais sa seule toile figurative est dans la galerie
de Guillaume. Sans l'avoir vue, il a imaginé Delphine. Guillaume ne
révélera pas à Delphine qui est l'auteur pas plus qu'il ne dira à
Maxence que la toile ressemble à Delphine, sa fiancée.
Solange
a écrit une symphonie qu'elle joue à Simon Dame. Le thème l'emplit
de mélancolie et lui rappelle son passé où dix ans plus tôt, il a
connu une femme qui a refusé de l'épouser à cause de son
patronyme. « Mon fiancé avait un nom fort détestable »
chante Yvonne, déjà fille mère après guerre, ce qui pour l'époque
devait être un scandale. Chacun avait fui l'autre, avait quitté
Rochefort et Simon Dame et Yvonne sont revenus dans le souvenir de
cet amour éteint. Simon Dame veut aider Solange et promet de prendre
contact avec son vieil ami Andy (Gene Kelly). Ils se rencontrent par
hasard devant l'école de Boubou où elle fait tomber sa partition
qu'il récupère.
Les
deux sœurs l'ont appris de leur maman, elles sont farouchement
indépendantes. Quand Etienne et Bill les abordent pour la première
fois, elles les rejettent comme des malpropres, tout en minaudant.
Pourtant avec leurs petites bottines blanches et leurs chemises
colorées, ils font bon genre. Les deux amis se retrouvent dans le
pétrin quand Judith et Esther leur font faux bond pour le clou du
spectacle. Ils veulent engager Delphine et Solange. Elles refusent
d'abord avant d'accepter et de revêtir de longues robes rouges
pailletées et entonner la « chanson d'un jour d'été ».
Les
chansons sont souvent enjouées, mais le ton des Demoiselles de
Rochefort est sinistre dans son ensemble. L'abandon amoureux, la
déception de ne pas réussir sa vie, la mort qui rôde avec cette
histoire de fait divers où des femmes sont assassinées, la solitude
d'élever seule ses enfants. Jacques Demy, Michel Legrand et le
chorégraphe Norman Maen (les danses sont essentiellement
circulaires, comme si les personnages tournaient en rond à
Rochefort) explorent un genre moribond et la présence de Gene Kelly
comme de George Chakiris, l'ancien et le nouveau, évoquent une
nostalgie irrémédiable. Le lundi matin, les forains quittent
Rochefort et les marins reviennent en ville.
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