L'oisiveté
est un art que Lucille (Catherine Deneuve) pratique avec délices et
bonheur. Elle vit depuis trois ans avec Charles (Michel Piccoli), un
homme plus âgé qu'elle de 10 ans. Une belle maison à Neuilly
qu'ils quittent tous les soirs pour aller voir leurs amis, tous aussi
mondains et bourgeois qu'eux. Cette après-midi-là, quand commence
La Chamade que Alain cavalier adapte avec Françoise Sagan du
roman de cette dernière, toute la petite bande joue au croquet dans
un jardin.
« Qui
est Antoine ? » demande Lucille au sujet du prochain
joueur, « c'est lui » répond-on. Un grand garçon au
sourire discret, Antoine (Roger Van Hool) semble être la récente
conquête de Diane (Irène Tinc, l'épouse d'Alain Cavalier à qui il
consacrera des décennies plus tard le film Irène), la
pimpante et bavarde amie du couple. Ou peut-être devrait-on dire duo
car Charles et Lucille se vouvoient, à l'ancienne, et ne font pas
chambre commune. Et si l'on en croit son sourire pendant ce début de
film, elle vit une vie idéale.
Un
soir, après une représentation de théâtre, Charles et Diane ont
l'idée saugrenue de mettre Lucille dans les pattes d'Antoine. Il
doit la conduire dans son auto jusqu'au restaurant. Sans doute,
Charles et Diane testent la fidélité de leurs amants respectifs,
comme un jeu qu'ils vont perdre. Antoine devient l'amant de Lucille,
une liaison qu'ils gardent secrète, malgré les regards de certains
de leurs amis communs, elle continue de vivre à Neuilly elle va le
voir dans son petit appartement.
Il
vit dans une chambre de bonne à Paris. L'endroit n'est pas grand,
les étagères sont remplies de livres alors que chez Charles ce sont
surtout les volumineux bouquets de fleurs qui encombrent les immenses
pièces qu'elle traverse dans ses robes Yves Saint Laurent (il
l'habille pour la première fois). Seulement voilà, Antoine veut
qu'elle vive avec lui, uniquement avec lui, il veut qu'elle quitte
Charles définitivement. Mais elle n'y arrive pas, elle ne s'y résout
pas, elle ne veut pas choisir.
Le
sourire de Lucille donne une grâce exquise au film. Catherine
Deneuve avec un naturel confondant joue la légèreté (la belle
scène devant le théâtre où elle mange des chips face à quatre
jeunes qui la draguent) comme l'ennui (les scènes où elle travaille
aux archives d'un journal) ou la gravité (son avortement, alors
illégal, aborder le sujet pouvait causer des soucis au cinéaste).
Ce sourire incarne la liberté de Lucille, son indépendance
d'esprit, son mai 68.
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