Akutagawa,
un journaliste japonais (George Lam) photographie la victoire des
troupes nord vietnamiennes. Les soldats défilent dans la rue portés
en triomphe par la population en liesse et le photographe compte
rendre compte de l’état du Vietnam à la fin des années 1970.
C’est un pays en mutation, c’est ce qu’affirme les dignitaires
du régime et notamment Nguyen, un ancien membre du Parti qui guide
les pas d’Akutagawa dans les nouvelles zones économiques
développées par le gouvernement. Les enfants l’accueillent avec
des chants, les pastèques sont juteuses, le soir il boit quelques
verres dans la gentille demeure de Nguyen. Akutagawa a le droit de
tout prendre en photos et tout est si joli, si charmant, si vivant
qu’il ne se prive pas. Mais l’accueil des enfants dans
l’orphelinat est trop enthousiaste pour ne pas cacher la solitude
des enfants.
De
retour en ville, il continue de prendre des photos. Sur le toit d’un
immeuble en feu un policier poursuit un homme. Tous deux tombent du
toit, mais seul le policier est secouru. L’autre homme, au
contraire, reçoit des coups. Akutagawa s’en étonne, un policier
présent sur place lui dit que ce réactionnaire ne mérite que de
mourir et lui intime l’ordre d’arrêter de photographier.
Evidemment, plus on lui interdit de prendre en photo ce qui lui
apparaît comme être la vraie vie des vietnamiens, plus il ne
demande que cela. Nguyen a beau tenter de le raisonner, rien n’y
fait. Il obtient donc un permis pour prendre en photo ce qu’il veut
et non plus seulement la zone N°16 où on l’avait conduit
auparavant.
Dans
ses promenades, il va faire la rencontre de Cam Nuong (Season Ma),
une jeune femme qui ramasse des pâtes en vermicelle abandonnés par
d’autres clients. Il va la suivre. Elle vit avec ses deux petits
frères et sa mère dans une maison de fortune, dans un bidon-ville
en périphérie de la ville. Si Akutagawa explique qu’il a le droit
de les photographier, la mère explique que les Vietnamiens n’ont
pas le droit de parler aux étrangers et qu’ils risquent gros.
D’autant que les collègues de Nguyen, notamment les plus jeunes
qui prennent du grade dans le parti à cause de leurs positions
radicales, pensent que le Japonais pourrait donner une mauvaise image
de marque au Vietnam.
Car
Ann Hui en faisant de son personnage principal de Boat
people un photographe
confronte la volonté des Vietnamiens de montrer une image positive
avec la réalité de la vie de la population. Akutagawa ne veut pas
au départ faire un reportage contre le Vietnam, mais quand il se
rend compte qu’on lui cache des choses et une partie de la vraie
vie, il part seul à l’aventure, souvent à ses risques et périls.
Tout bascule quand il voit partir avec un grand sourire Cam Nuong et
son frère Van Nhac, coiffé d’un chapeau brodé d’un drapeau,
après qu’ils aient entendu deux coups de feu. Ils vont dépouiller
une couple qui vient d’être exécuté. Là, Akutagawa fait la
rencontre avec Minh (Andy Lau, dans son premier rôle) qui vient de
s’échapper de la zone économique N°15.
Dès
lors, le photographe ne va cesser de plonger dans un monde qu’il
n’espérait ne pas voir. Celui de la répression d’abord.
Akutagawa se fait souvent reprendre par les policiers qui voient d’un
mauvais œil ses activités. Mais désormais il a une autorisation de
Nguyen pour tout photographier, au grand dam des autres camarades. Il
saisit une scène où les policiers expulsent sans ménagement un
marché non officiel, sorte de marché noir qui permet aux gens de se
nourrir en dehors des circuits étatiques. Il est confronté aussi à
l’extrême pauvreté. Cam Nuong et son frère sont obligés de
faire les poubelles pour survivre. La mère se prostitue et même Cam
Nuong envisage au début de sa rencontre de se vendre à Akutagawa,
ce qu’il refuse.
Minh
tente de voler son appareil à Akutagawa. Minh cherche de l’argent
pour s’enfuir du Vietnam. Ann Hui explique que chacun veut quitter
le pays mais que cela coûte très cher, qu’il faut corrompre les
policiers et que cela se termine le plus souvent très mal. Minh est
un réfractaire au régime et la visite de la zone économique N°15
s’apparente à un camp de concentration. Hommes enchaînés, appel
torse nu sous la pluie, travail très long où ils doivent déminer
des champs entiers sous la surveillance d’hommes armés. Mais
Akutagawa se prend de sympathie pour Minh et va tout faire pour qu’il
puisse quitter son pays.
Le
parti pris politique de Boat
people est clair. Ann
Hui a de la compassion pour la population et elle montre les
difficultés du nouveau Vietnam. Cependant, elle n’accable pas le
pouvoir si ce n’est pour stigmatiser la nouvelle génération des
cadres du parti qui ne semblent vouloir autre chose que le pouvoir au
contraire de Nguyen qui croit au socialisme. Elle montre un Etat qui
ne croit plus en l’idéologie. Boat
people montre surtout
la rencontre entre deux personnes solitaires Okutagawa le japonais
cultivé mais ignorant des réalités du lieu qu’il visite et Cam
Nuong sans éducation mais qui va apprendre la vie au photographe.
C’est la naissance de cette relation, hors du cadre amoureux et
sexuel, qui rend Boat
people émouvant, son
développement et son issue pleine d’espoir et tragique à la fois.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire