On
pourrait comparer Youth de Paolo Sorrentino à Grand
Budapest Hotel de Wes Anderson, les deux films se déroulent dans
un très luxueux hôtel des Alpes fréquenté par des gens riches
avec un personnel au petit soin. Là où résidait l'idée géniale
du plus européen des cinéastes américains, c'était de donner aux
employés les rôles principaux et d'en faire le moteur du récit.
Certes, l'époque n'est pas la même. Dans les deux films, les
clients sont campés par des stars du cinéma, mais dans Youth,
le personnel reste justement impersonnel. On les voit fumer leurs
cigarettes à l'extérieur, faire des massages, faire la tapin ou
être un émissaire de la Reine Elizabeth II que le personnage de
Michael Caine traite comme un larbin.
Ce
dernier est Fred, compositeur de musique à la retraite qui vient
dans cet hôtel isolé de la Suisse alémanique pour se reposer. Il
est accompagné de sa fille Lena (Rachel Weisz), personnage inutile
(on prétend qu'elle est son assistante malgré sa retraite),
présente uniquement pour une banale sous-intrigue de rupture
amoureuse. Chaque année, il retrouve Mick (Harvey Keitel), cinéaste
qui programme son film testament. Il est entouré d'une bande de
jeunes scénaristes (encore des employés traités par dessus la
jambe) qui lui fournissent des dialogues pour la fin de son film.
Mais Mick rejette toutes leurs idées immatures. Les deux amis sont
artistes mais l'un ne veut plus l'être, l'autre cherche à
poursuivre son œuvre.
Les
journées se suivent et se ressemblent toutes. Elles sont scandées
par une chanson interprétée dans le jardin sur une scène ronde qui
tourne. « Ils ne sont pas très bons », dit un personnage
avec condescendance. Rien à voir avec le génie de Fred qui jouera
pour la Reine en fin de film, lui, il joue avec un orchestre
philharmonique pour les grands de ce monde. Il en pleurera d’émotion,
ses yeux rouges en attestent, forçant le spectateur de Youth
à être lui-même ému. Le reste de la journée, Fred et Mick se
promènent, mangent et font des paris sur un couple voisin qui ne se
dit pas un seul mot. Ah oui, et ils contrôlent leur flot d'urine.
Prière de rire comme on a pleuré, forcé par Sorrentino.
Fred
et Mick ne sont pas seuls dans l'hôtel. Avec son sens du baroque,
Paolo Sorrentino expose des personnages secondaires hauts en couleur.
Paul Dano est un acteur hollywoodien déprimé de n'être reconnu que
pour son rôle de robot. Il acceptera de jouer Hitler et se pavanera
dans l'hôtel dans son nouveau costume. Un sosie de Maradonna (son
nom n'est jamais cité). Miss Univers qui est belle donc stupide mais
en fait elle n'est pas si stupide, c'est elle qu'on voit sur
l'affiche. Un enfant qui apprend le violon. Et en fin de film, Jane
Fonda, dans le rôle de l'actrice fétiche de Mick. A chacun, Fred et
Mick (mais surtout Fred) donnent des leçons de vie pour mieux
comprendre le monde. Ils ont bien lu Paulo Coelho.
Je
voulais comparer Paolo Sorrentino et Wes Anderson car tous deux sont
des formalistes forcenés persuadés de créer leur cosmogonie, comme
on dit. Le cinéaste italien s'est cependant bien calmé depuis La
Grande bellezza et plus encore depuis Il Divo. Le récit
est désormais totalement linéaire, sans digression, sans courbure
du récit (sauf dans une scène onirique ridicule). De même, les
plans tiennent plus de l'imagerie Instagram (des beaux paysages
fleuris, des intérieurs tous cadrés de la même façon) que d'une
composition artistique. Il tente de faire son 8 et ½ en
s'exprimant sur l'art et les pièges des faux-semblants. Le pire est
que tout est toujours trop explicatif à grands coups d'épuisants
tunnels de dialogues.
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