Mona
(Golshifteh Farahani), la belle vingtaine, est en semi-liberté. Elle
passe la nuit en prison et le jour, pour s'insérer à nouveau à la
société, comme disent les journaux télé, elle travaille dans un
fournil Gare du Nord. Ses horaires sont précis (t'as cinq minutes de
retard, lui dit son chef), elle doit prendre le RER pour faire
l'aller-retour. C'est son seul horizon.
Clément
(Vincent Macaigne) l'observe de loin. Il l'a déjà repéré et pense
être tombé amoureux d'elle. Amoureux est un euphémisme, elle est
devenue son obsession. Les uniques rapports qu'ils échangent sont
ceux de l'achat d'un pain au chocolat. Clément ne sait pas que Mona
doit rentrer en prison chaque soir. Il s'acharne à vouloir l'inviter
à rester prendre un verre.
Abel
(Louis Garrel) est l'ami et confident de Clément. Il acquiesce à
tout ce que son pote dit. Il l'encourage à aller plus loin dans la
drague avec Mona. Il ne l'a jamais vue, il ignore sa vie mais
souhaite qu'elle fasse un effort. Il va d'ailleurs la convaincre de
rester un peu le soir avec Clément. Et là, c'est le drame sur le
quai de la gare, les deux amis la retiennent, elle explose de colère.
Les
Deux amis, premier long-métrage de Louis Garrel (un de ses
courts-métrages en N&B était déjà sorti en salles) une fois
ses personnages introduits, se déroule en quelques heures. Les amis
retiennent Mona en otage, et l'idée de s'évader n'est pas à
l'ordre du jour. Au contraire, elle veut échapper à l'attraction
des deux amis, qui l'enferment littéralement dans leur désir
mortifère.
A
priori, les deux potes sont bien sympas. Abel se rêve en romancier,
mais il est gardien d'un garage. Il sort de temps une belle phrase
que Clément trouve très belle mais que Mona trouve ridicule.
Clément fait de la figuration dans des films. On assiste à un
tournage où Mai 68 est reconstitué. La rébellion de l'époque est
à comparer à celle d'aujourd'hui. Leur champ du possible est.
Abel
et Clément ne sont pas des rebelles. Ils vivotent. L'un tombe
amoureux en deux secondes d'une belle fille, l'autre s'envoie des
prostituées. On les croyait les descendants de Brialy et Belmondo
dans Une femme est une femme, ils se croient être des
duplicatas de Léaud dans La Maman et la putain.
Ils sont l'archétype d'une jeunesse de cinéma où l'insouciance est
un art de vivre.
Louis
Garrel est depuis quelques années l'acteur Koulechov du cinéma. Son
visage impassible et inexpressif permet aux cinéastes (Xavier Dolan
et Christophe Honoré en tête) d'imprimer tous les sentiments sur
son visage. Dans Les Deux amis,
l'acteur s'essaie au sourire, voire dans une scène au rire. Mais il
reste cantonné à son personnage de joli garçon romantique.
Vincent
Macaigne est l'inverse de Louis Garrel, chaque mouvement de sourcils
sur-exprime les sentiments que son personnage développe. Macaigne
sur-joue toujours ses personnages. Quand le film est bien écrit (La
Fille du 14 juillet), ça
marche, quand il reste aux lieux communs (La Bataille de
Solférino), Macaigne est en
roue libre, aussi génial qu'exaspérant.
On
trouve dans Les Deux amis tous
les tics sur la jeunesse. On traverse les rues parisiennes en
courant, on déclame de la poésie dans les dialogues, on danse dans
un bar désert, on passe la nuit au poste, on s'échappe de l'hosto
par la fenêtre. Le film réussit rarement à s'extirper d'un cinéma
romantique doloriste. Le romantisme de Clément est insupportable
d'égoïsme, totalement infantile.
Les
deux acteurs sont aussi réalisateurs. Macaigne vient de signer un
Dom Juan projeté au
Festival de Locarno qui a divisé la critique. On imagine que le
nombre de « putain » hurlé par ses acteurs sera aussi
impressionnant que dans ses pièces. Louis Garrel préfère les
susurrements au creux de l'oreille. Ces deux-là étaient faits pour
se rencontrer, comme le feu et la glace.
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