Jusqu'à
présent, les films de F. Gary Gray pouvaient être classés dans
deux catégories, le film d'action cool (Braquage à l'italienne,
Be cool) et le film d'action primaire (Un homme à part,
Que justice soit faite). Je préfère la première catégorie.
N.W.A - Straight Outta Compton n'est pas vraiment un film cool
mais réussit à être intéressant jusqu'à la toute fin. C'est
quelques années de la vie du groupe de rap que le cinéaste visite,
de la rencontre entre les membres de NWA en 1986 jusqu'à la mort de
Eazy-E en 1995. C'est une première différence avec les biopics
musicaux récents, sur Johnny Cash, Ray Charles ou James Brown qui
mettent en scène toute leur vie, ou explorent au moins plusieurs
décennies. Cela dit, il s'agit ici d'un groupe à la durée limitée.
F. Gary Gray ne se démarque cependant pas beaucoup de ses confrères
et le film montre l'ascension du groupe, la vie privée de ses
membres, les destins croisés. Le film reste relativement académique
dans son traitement avec une reconstitution sans défaut et appliquée
de l'époque.
Parce
qu'il est produit par Ice Cube, Dr. Dre et Tomica Woods-Wright (la
veuve d'Eazy-E), tout le récit tourne autour de Ice Cube, Dr. Dre et
Eazy-E. Logiquement. Pour n'avoir pas connu à l'époque NWA et
n'avoir jamais entendu un seul morceau, je ne peux pas dire si cela
reflète la réalité. Mais peu importe, N.W.A - Straight Outta
Compton n'est pas un
documentaire, c'est une œuvre de fiction. Ice-Cube (O'Shea Jackson
Jr, soit le fils d'Ice Cube) est un lycéen comme les autres qui
observe les exactions policières dans son quartier de Los Angeles.
Il subit lui-même une arrestation arbitraire. Son personnage est un
auteur de paroles de génie, qui sait parfaitement décrire la
situation des Afro-Américains en ce milieu des années 1980.
Régulièrement, la police tente de censurer ses morceaux (elle
intervient en plein concert à Detroit quand il interprète Fuck Tha
Police). On vit l'affaire Rodney King comme si on y était. Il se
sent floué par le manager du groupe Jerry Heller (Paul Giamatti, qui
en fait un peu trop), il se sent exploité parce que ses paroles sont
chantées par Eazy-E et qu'il ne touche pas assez d'argent.
Dr.
Dre (Corey Hawkins) est l'arrangeur du groupe. Autant Ice Cube est
violent dans ses propos, autant Dr. Dre est calme. Tout ce qu'il veut
est pouvoir mixer. Il s'accommode du contrat qui le lie à Heller,
tout du moins dans la première partie du film. Eazy-E (Jason
Mitchell) ne rêve que de pognon. Mauvais chanteur, il va parvenir
cependant à devenir le leader du groupe avec la chanson Boyz N The
Hood. Avec Heller, il va fonder un label, Ruthless (« impitoyable ») et s'arroger le magot. Pendant qu'Eazy-E et Heller
mangent du homard, les autres doivent se contenter de burgers, lui
sort Ice Cube en colère. Sa cupidité est montrée sans ambages ni
nuances jusqu'à une rédemption finale un peu douteuse. Bref, Ice
Cube et Dr. Dre ont plutôt les beaux rôles. Reste à évoquer les
concerts qui ponctuent le film. Ils sont remarquablement bien
présentés (les enjeux face à leurs paroles) et mise en scène à
grands coups de larges mouvements de caméra. Sur un grand écran,
c'est impressionnant. Pas étonnant que le film ait eu un tel succès,
à la grande surprise de chacun, aux Etats-Unis. C'est un peu le rêve
américain qui est décrit, même si ce rêve avait souvent des
allures de cauchemar. Et il faut dire que pas grand chose n'a changé
en 25 ans.
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