Une
chambre (la numéro 8, le nombre des longs-métrages de Lionel Baier)
dans un motel en périphérie de Lausanne. L'homme qui loue cette
chambre s'appelle David Miller (Patrick Lapp, déjà épatant dans
Les Grandes ondes, le précédent film du cinéaste) et veut
mettre fin à sa fin, non pas en se suicidant mais grâce à une loi
suisse qui autorise l'euthanasie pour les cas « désespérés ».
C'est ironiquement Esperenza (Carmen Maura) qui va venir l'assister
et lui donner les médicaments nécessaires à cette mort choisie.
Miller a choisi ce motel, aujourd'hui déserté et proche de la
fermeture définitive, parce qu'il en a été l'architecte plus de 45
ans auparavant. Il l'a conçu après un voyage sur la route 66. Dans
la chambre d'à côté, la numéro 7, Miller et Espé entendent les
bruits d'un coït. C'est le jeune Konstantin (Ivan Georgiev), jeune
prostitué qui reçoit ses clients (clients, pas clientes). Comme le
témoin de Miller n'arrive pas, il va demander à Konstantin de
l'assister dans ses derniers instants.
Unité
d'action, de lieu et de temps. Ou presque. Pourtant La Vanité
n'est en rien un film théâtral. L'utilisation du hors-champ par le
cinéaste crée du suspense, développe le récit et relance
l'action. Ce ne sera pas par les dialogues qu'on connaîtra les
motivations des personnages ainsi que leur histoire, Lionel Baier a
une manière bien à lui de lancer ses flashbacks, sans paroles,
composés de quelques images. C'est très beau et très tendre. Il ne
faut pas s'attendre à un film « dossier de l'écran »
comme a pu l'être Quelques heures de printemps de Stéphane
Brizé, film extrêmement explicatif et d'un sérieux à toute
épreuve. La Vanité dynamite constamment le sérieux du sujet
par une avalanche de gags de différents niveaux, gags de langages,
gags de situations, gags visuels, le tout suivi par un soupçon de
poésie redynamitée pour ne pas tomber dans le mièvre. Le film a la
très bonne idée d'être très court et de garder son rythme de
croisière pendant toute sa durée.
Lionel
Baier a toujours filmé la Suisse comme un pays étrange. Même quand
ses films ne se passent pas en Suisse (Comme des voleurs en
Pologne et Les Grandes ondes au Portugal), on parle des
rapports de la Suisse avec le reste de l'Europe. Et quand ça se
passe en Suisse, il filme les gens en marge de la société
bourgeoise. Dans La Vanité, les trois personnages sont loin
d'être des standards de la population de Lausanne. David Miller est
juif et misanthrope, Esperanza est Espagnole et désabusée,
Konstantin est Russe et gay. Dans un pays en proie à la tentation
nationaliste, ce trio peut faire figure d'un îlot de résistance.
Comme toujours dans les films de Lionel Baier, ce sont trois
personnages solitaires, un peu borderline, pas vraiment raisonnables
qui font un bout de chemin ensemble. Bref, La Vanité est une
comédie loufoque sur un sujet grave. C'est finalement bien mieux de
ne pas aborder de front l'euthanasie.
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