L'une
des plus grandes difficultés pour les comédies américaines quand
elles débarquent en France, c'est leur sous-titrage et pire leur
doublage. Souvent, les comédies sont doublées en français avec un
résultat désastreux. Une grande partie de l'humour de Will Ferrell
par exemple (je le cite parce qu'il est le producteur de Jamais
entre amis) vient du timbre de sa voix, de la manière si étrange
de prononcer ses phrases. Doublé, l'humour hilarant de l'acteur
s'effondre. Regarder Ron Burgundy présentateur vedette en VF
(le film n'était sorti que comme ça dans la majorité des salles),
c'est comme regarder un film avec Kev' Adams. L'un des pires écueils
des comédies sous-titrés est le remplacement des références à la
culture populaire locale par notre culture à nous. Remplacer Target
par Carrefour se comprend, mais à force on devrait savoir que la
chaîne de magasins Target existe. Autre écueil, le parler jeune,
les « vénères », les « kifs », terriblement
de notre époque et voués à disparaître pour d'autres termes.
Parfois, c'est le mot américain qui est difficile à rendre. Dans
Vive les vacances, Ed Helms discute avec son fils du
« rimming » (je vous laisse googler), traduit par
« roulage de rondelles », mais comment faire autrement.
Le choix de sous-titrer littéralement les dialogues de Jamais
entre amis, sans adapter au public français (garder les pouces
pour parler de la longueur d'un objet au lieu des centimètres est
osé) est la meilleure solution dans le cas présent. Le débit
ininterrompu de dialogues de Jason Sudeikis et Alison Brie, tous deux
habitués à japper leur partition dans Community ou le Saturday
Night Live, est l'essence du film. Enfin, le titre du film Sleeping
with other people contre Jamais entre amis. Le titre
américain est direct, exprimant bien ce que font les deux
personnages, le titre français est plus neutre.
Coucher
avec d'autres gens, mais jamais entre amis, est le crédo de Lainey
(Alison Brie) et Jake (Jason Sudeikis). A l'université de Columbia,
ils perdent leur virginité ensemble en 2002. De nos jours, ils se
revoient par hasard, chacun a échoué dans sa vie amoureuse. Jake
couche avec toutes les filles, les drague sans cesse, y compris sa
patronne. Lainey trompe son fiancé avec Matthew (Adam Scott),
ignoble gynécologiste glacial et lâche. Jake et Lainey décident de
devenir amis, sans coucher. Est-ce que l'amitié peut exister entre
un homme et une femme. Bien entendu que non répondait Billy Chrystal
à Meg Ryan dans Quand Harry rencontre Sally, le chef d’œuvre
de Rob Reiner. 25 ans plus tard, Jamais entre amis est un remarquable
hommage au cinéaste (on y voit un extrait de Misery) et à
son film précité. Ils sont tout deux situés à New York et la
cinéaste Leslye Headland démarque avec intelligence son film sur
celui de Rob Reiner. On discute dans les mêmes allées de Central
Park, on se téléphone de chez soi pour se confesser en
split-screen, la scène de restaurant ou Meg Ryan simulait un
orgasme est remplacée par une leçon de masturbation féminine avec
une bouteille. Les deux amis les plus proches deviennent aussi
conseillers des âmes de leurs cœurs, l'une est lesbienne, l'autre
père de famille. Ce qui change radicalement, c'est le langage qui
devient bien plus cru (des fuck tout le temps). Il n'est pas
nécessaire d'avoir vu Quand Harry rencontre Sally pour
apprécier l'humour et l'histoire de Jamais entre amis, mais
c'est un plus. Ce qui fait que le film de Leslye Headland dépasse en
qualité beaucoup d'autres films sur les relations amis/amants des
cinq dernières années, c'est l'absence de jugement moral et de
moquerie sur ce libertinage (l'un des pires exemples serait Sex
friends avec Ashton Kutcher et Nathalie Portman). Cela fait de
Jamais entre amis la meilleure comédie romantique de l'année.
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