Avoir
le pouvoir, c'est savoir sourire. Un beau et grand sourire texan.
Avant d'avoir le sourire et le pouvoir, Lance Armstrong (Ben Foster)
va passer par une série d'épreuves douloureuses. La première,
c'est une course sur les célèbres pavés de la Flèche Wallonne, où
il en chie, incapable de tenir le rythme et de supporter la douleur.
La deuxième est son cancer des testicules qui l'oblige à subir une
lourde opération et de la chimio. Dans ces deux chemin de croix, le
cycliste ne sait pas s'il pourra devenir le champion qu'il rêve
d'être. Il était promis à une carrière honorable, ce qui lui a
valu l'attention d'un journaliste anglais David Walsh (Chris O'Dowd),
premier homme en croire en lui. Il rencontre aussi un autre cycliste,
Johan Bruyneel (Denis Ménochet) qui lui affirme qu'il ne pourra
jamais gagner parce qu'il n'est pas dopé. Troisième rencontre,
celle avec le docteur Ferreri (Guillaume Canet) étrange médecin aux
lunettes fumées qui décèle immédiatement ce qui ne va pas dans sa
musculature et qui va lui trouver la solution miracle, l'EPO (entre
autres joyeusetés qu'il va lui prescrire).
La
machine à gagner de Lance Armstrong est lancé. D'abord trouver une
équipe de sponsor (l'US Postal), puis lancer une fondation (pour
faire œuvre philanthropique), puis un entraîneur (Bruyneel a pris
sa retraite de coureur, il constituera l'équipe) et enfin un médecin
(Ferreri accepte de remodeler son futur champion). La bonne idée de
Frears est de laisser de côté l'aspect compétition, le cyclisme
n'est pas un sport palpitant au cinéma, contrairement au base-ball :
question de tempo. La suite, on l'a connaît. Le cycliste gagne sept
fois le Tour de France, juste l'année après le scandale Festina
(« à l'insu de mon plein gré »). Stephen Frears montre
la manipulation avec une minutie redoutable, n'oubliant aucun
détail : comment se piquer, comment se débarrasser des
seringues, comment feinter les contrôles anti-dopage et aussi
comment financer la dope sans que ça n'apparaisse dans les comptes.
Le cinéaste organise une plongée à l'intérieur d'un système que
tout le monde voyait à l'écran de télé (la séquence où il
dépasse tout le monde dans une étape de montagne est superbement
montée) mais que personne ne voulait voir.
Tout
le monde, sauf ce journaliste sportif. C'est lui qui risque de faire
perdre le sourire d'Armstrong, ce sourire qu'il arbore quand il va
discuter dans le peloton avec un coureur qui a déclaré que tout le
monde est dopé. Tout ce qui compte est de ne pas dépasser le seuil
illégal où il se ferait contrôler positif. On connaît la fin de
l'histoire, on sait comment Lance Armstrong a été dépossédé, en
2012, de ses titres, mais Stephen Frears parvient à maintenir un
suspense jusqu'au bout, menant son film comme un thriller où les
menaces (contre les instances internationales qui ne pourraient se
permettre une mauvaise image), les procès (contre David Walsh), les
amicaux conseils (à Floyd Landis son co-équipier, issu d'une secte
conservatrice, qui culpabilise) se suivent. Chaque fois, Armstrong
s'en sort, comme dans Les Incorruptibles. Jusqu'à ce que la
machine s'enraye. En ce sens, Stephen Frears n'a pas tourné un
biopic sur le cycliste, de la même manière que The Queen
n'est pas un film sur Elizabeth II, autre personnage de pouvoir
arborant un constant sourire. Dans ces deux films, Stephen Frears met
en scène, avec son sens habituel de l'ironie, l'affrontement de deux
idéologies opposées.
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