Dans
trois semaines, cela fera 60 ans que James Dean est mort. Que
reste-t-il de lui ? Trois films où il le rôle principal,
quelques figurations dans d'autres et une série de photos prises en
hiver 1955 par Dennis Stock. C'est la conception de ces photos qui
est le sujet de Life le quatrième film d'Anton Corbijn. Il
faut le dire tout de suite, c'est son meilleur film, si l'on excepte
quelques jolis clips pour Depeche Mode. Life, non pas pour la vie et
l’œuvre de l'acteur étoile filante, mais pour le magazine qui a
publié ces photos, page 125 au fin fond du sommaire. La couverture
n'était pas consacré à James Dean, il était inconnu à l'époque.
Le film rappelle à plusieurs reprises que ses trois films n'étaient
pas sortis et que ses seuls faits de gloire étaient de défrayer la
chronique pour être l'amant de Pier Angeli, actrice en devenir qui
n'a jamais réussi à percer.
Life
donc comme titre de film avec comme personnage qui lance la narration
Dennis Stock, admirablement campé par Robert Pattinson. C'est son
point de vue que le cinéaste adopte, c'est uniquement à travers ses
yeux de photographe que l'acteur est vu. Il bosse à l'agence Magnum,
il cherche un bon sujet. Il est sans le sou, il habite à Los Angeles
dans un petit studio, il a laissé à New York un fils et une femme
divorcée. Pour gagner sa vie, il va aux avant-premières, aux
soirées mondaines pour prendre en photo les vedettes de Hollywood.
Chez Nicholas Ray, il rencontre James Dean, binoclard timide, qui fume
une clope sur la terrasse, loin du brouhaha. Il veut convaincre son
patron, très sceptique, de consacrer un reportage au sauvageon. Le
problème est que James Dean (Dane DeHaan, peu ressemblant mais très
convaincant) est très sceptique également.
Les
rapports entre les deux hommes de 24 ans sont au cœur du film,
comment ils vont s'apprivoiser l'un l'autre, comment ils vont
profiter du talent qu'ils ont en face d'eux, comment ils vont se
révéler à eux-mêmes. Anton Corbijn ne montre jamais
d'affrontements entre les deux hommes, qui ne réussiront jamais à
devenir amis, il filme la fabrication de la célébrité par le
prisme de l'authenticité. L'agent de James Dean ne veut que des
sourires de la part de son acteur, des mots gentils et des beaux
vêtements. James Dean s'habille en jean et duffle-coat, est mal
coiffé, dit ce qu'il pense en interview et méprise son patron Jack
Warner, redoutable homme d'affaires (le cinéma est une industrie)
que joue Ben Kingsley avec délectation. Un vrai salaud qui tente de
dompter le petit crapaud qu'il veut transformer, contre son gré, en
princesse.
La
beauté de Life vient de son calme à filmer l'entêtement de
Dennis Stock à poursuivre le jeune acteur jusque dans son studio
new-yorkais qu'il ne quitte que pour aller écouter du jazz avec son
amie Erthea Kitt. S'il accepte le projet d'être photographié au
naturel, sous la neige de l'Indiana ou sous la pluie de Manhattan,
c'est uniquement pour faire un pied de nez à Jack Warner. Le périple
à New York est euphorisant, Dean et Stock se droguent, fument clope
sur clope, oublient leurs devoirs (la promo proprette pour Dean, la
famille pour Stock). Le séjour dans la ferme familiale dans
l'Indiana est empreinte d'une douce mélancolie. Stock se retrouve au
milieu d'une famille de Quakers qui élèvent des cochons, des vaches
et des chevaux. Il sort régulièrement son appareil photo pour
immortaliser James Dean enfin heureux. Life débusque tous les
clichés sur James Dean pour ne montrer qu'un photographe au travail.
C'est très beau.
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