Deux
mots d'abord sur cette affiche : trois bandes comme dans un film
en cinémascope, trois visages. Sergi Lopez en haut, Céline Sallette
au centre et Eric Cantona en bas, chacun regarde dans une direction
différente. Lopez a un sourire complice, Cantona sourit franchement,
Sallette est plutôt pensive. Personne ne se regarde, personne ne
regarde le spectateur. Puis, le titre du film, Les Rois du monde
en lettres majuscules rouge comme le sang, enfin le sous-titre
Casteljaloux, nom du village du Lot-et-Garonne où se déroulent les
frasques amoureuses du trio. Casteljaloux était aussi le titre de la
pièce de Laurent Laffargue qu'il adapte lui-même au cinéma. Cette
affiche, que je trouve particulièrement hideuse, ne dit pas grand
chose de ce qu'est Les Rois du monde, si ce n'est l'ambition
de créer un western (le cinémascope) dans le Sud-Ouest. Ouest =
Western. Le titre évoque irrémédiablement la chanson de la comédie
musicale mais aussi l'idée d'une comédie, comme les sourires le
laissent supposer. Mais le visage de l'actrice ainsi que les lettres
rouges contredisent cette bonne ambiance. Tout cela, on ne peut le
savoir qu'une fois le générique de fin fini.
Les
Rois du monde se veut une énorme tragédie. Chantal est une
actrice ratée qui est revenue dans son village (et a perdu
l'accent), elle est maintenant vendeuse dans une supérette. Chantal
aime la vie, elle virevolte dès qu'elle arrive chez elle en enlevant
ses vétements et danse sur une musique entrainante. Chantal vit avec
Jacky (Cantona), le boucher (thème du sang). Elle a refait sa vie
avec lui. Mais dans sa vie avant Jacky, il y avait Jeannot (Lopez),
au sang chaud qui a coupé les doigts d'un gars qui avait osé
draguer Chantal. Quatre ans de prison plus tard, il vient
« récupérer » Chantal. Oui, Jeannot est jaloux,
logique, il habite Casteljaloux. Jeannot aime boire beaucoup avec son
nouveau pote Jean-François (Guillaume Gouix), jeune homo qui ne
trouve personne à baiser au village. Chantal ne veut pas retourner
dans le giron de l'ancien amant violent, à moins qu'elle veuille
bien. Elle ne sait plus qui elle aime. Et ça discutaille tout le
temps tandis que les deux gars montrent leurs muscles. Et sa copine
Marie-Jo (Romane Bohringer), vieille babosse, tente de donner des
conseils, de faire tampon entre les deux amoureux jaloux l'un de
l'autre.
Comme
si ce n'était pas assez, Laurent Laffargue ajoute un deuxième trio
de jeunes. Deux garçons, une fille également. Des lycéens qui font
de la mobylette sur les routes de campagne en criant leur liberté
d'être jeunes, qui se font des bisous sur le capot d'une voiture au
milieu d'une carrosserie (un peu de poésie déglinguée, ça fait
toujours auteur de cinéma). Chantal, en tant qu'ancienne actrice,
leur donne des cours de théâtre. Elle était partie à la Capitale,
elle veut qu'ils puissent s'échapper de cette vie mesquine et
étroite. Rester là ou quitter Casteljaloux, telle est la question ?
Mais, les deux gars vont reproduire le schéma de Jeannot et Jacky.
Tous les acteurs jouent avec une très grande intensité leur rôle,
ils respirent fort quand ils sont énervés, ils roulent des yeux
quand ils assènent leur vérité, ils titubent en gueulant quand ils
sont souls. L'excès de naturalisme se transforme en insignifiance.
On sent de plus en plus le poids de la théâtralité du scénario
que les belles images (ou supposées telles) ne parviennent jamais à
effacer. Encore un premier film qui n'arrive pas à dépasser ses
intentions énormes et qui se dégonfle comme un soufflé trop cuit.
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