Le
film de guerre quand il est bâti sur le comédie burlesque produit
du génie. Blake Edwards commence son Qu'as-tu fait à la
guerre, papa ? Comme un film de guerre classique, histoire
de mettre le spectateur dans le bain. Une scène de bataille avec des
explosions filmée en cinémascope. Sicile en 1943, l'armée
américaine débarque et libère les villes et villages les uns après
les autres. Le Général Bolt demande au Capitaine Cash (Dick Shawn)
d'aller dans le village de Valerno pour prendre position. Cash est un
soldat zélé qui obéit aveuglément aux ordres. Une caricature de
soldat. On lui assigne une unité qui revient de combat. Tout le
monde est épuisé. Sa première rencontre avec le Lieutenant
Christian (James Coburn, dans un rôle à contre-emploi, épatant)
veut souffler et prendre avec ses hommes un bon repas. Pas question,
lui répond son nouveau supérieur. Ils doivent filer directement à
Valerno.
Loin
de faire un buddy movie avec deux personnages opposés, Blake
Edwards opte pour la variété du burlesque. A commencer par
l'ivresse de l'alcool qui permet aux personnages de faire à peu près
n'importe quoi quand ils sont saouls. Arrivé au village, le
bataillon constate que les rues sont désertes. Les Italiens sont
plus loin, en train de préparer un match de foot. Pas près de se
battre, ils acceptent volontiers de se rendre, épuisés qu'ils sont
par la guerre. Le Capitaine Oppo (Sergio Fantoni) demande une
faveur : pouvoir faire la fête. Cash est étonné par cette
requête, voire vexé, mais Christian le convainc. Il le persuade
tant qu'il va l'inciter à boire, notamment grâce à Gina (Giovanna
Ralli), la fiancée d'Oppo. L'alcool était déjà présente chez
Edwards dans Le Jour du vin et des roses (1962), elle le sera
dans The Party (1968) puis dans Boire et déboires
(1987). La substance libère les soldats quels que soit leur bord. La
fête est dantesque, les scènes de foule incroyablement précises.
Les personnages se dessinent petit à petit.
Le
lendemain, la gueule de bois est décuplée quand Christian apprend
que le Général Bolt doit arriver pour capturer les soldats
italiens. Le deuxième acte se lance. Christian doit faire croire aux
avions qui survolent la zone que Cash et lui-même n'ont pas besoin
des hommes de Bolt. Une mise en abyme se met en place. Le Lieutenant
Christian devient le metteur en scène d'une bataille imaginaire. Il
dirige les soldats pour pouvoir rejouer les scène d'affrontement
devant les avions. Certains soldats en profitent pour cabotiner,
trouvant la manière la plus rocambolesque de feindre la mort. Les
prostituées du village sont les spectatrices de ce spectacle
surréaliste. Certains villageois continue de leur train-train
quotidien, ainsi cette mama sicilienne qui étend son linge au
milieu des balles à blanc que lancent les mitraillettes. Pendant que
Christian a pris les commandes du récit, le Capitaine Cash tente de
sortir de son état fortement éthylique et de comprendre ce qui se
passe. Quant à Oppo, quand il constate que l'Américain a dormi avec
sa fiancée, il refuse désormais de se rendre.
Le
troisième motif d'humour du film concerne la travestissement sous
toutes ses variantes. A cause de leur fausse bataille, un avion nazi
a aussi survolé le village et les Allemands pensent que c'est une
poche de résistance. Ils viennent aider les Italiens. A cause d'une
partie de poker, les Italiens ont récupéré les uniformes des
Américains. Et inversement. Bientôt, la confusion règne. Le
mélange des langues l'accentue, on parle anglais, italien ou
allemand pour mieux tromper l'ennemi. Puis, il s'agit de capturer le
général allemand. Cash se dévoue pour se déguiser en femme et le
piéger. Là aussi Blake Edwards parvient magistralement à provoquer
de nombreux gags hilarants. Rarement, j'ai vu un film avec une
construction aussi sophistiquée mais où tout est du lisibilité
suprême. C'est d'autant plus remarquable que le nombre de
personnages ne cesse d'augmenter (et encore, je n'évoque pas les
seconds rôles tous admirablement croqués) et que les situations
fonctionnent comme un jeu de domino. Chaque action est liée avec la
précédente et amène la suivante, c'est ébouriffant de précision.
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