A
l'image, un hall de aéroport comme n'importe quel aéroport avec ses
voyageurs qui vont et viennent, débarquent et embarquent, au son le
brouhaha habituel de ce genre de lieu très peuplé mais surtout le
classique message d'annonce au haut parleur. Des voix neutres et
aseptisées à l'élocution parfaite, des voix qui la plupart du
temps sont là pour meubler, le spectateur dans un film n'y prête
pas attention tant elles n'apportent rien. Le trio de cinéastes
imaginent que ces deux voix, un homme et une femme seraient un couple
en train de se disputer, de s'écharper à l'entendu de tous – et
personne ne réagit – mais sur ce ton d'annonce publique.
C'est
dans ce dérèglement qu'une partie du comique des ZAZ se déployait
pour la première fois. À l'origine, cette parodie de film
catastrophe ne devait être qu'un sketch de la suite de Hamburger
film sandwich sorti trois ans plus tôt, film à sketches écrit
par le trio. Le trio a résisté et a écrit un pastiche qui commence
et se termine dans un aéroport. Entre les deux, contrairement à la
position de ce client qui grimpe dans un taxi qui ne démarrera
jamais, l'avion subit quelques avanies, mais en vérité, ce n'est
pas cela l'important, Y a-t-il un pilote dans l'avion ne joue
jamais sur ce suspense fallacieux, on sait que tout le monde va s'en
sortir.
Même
la raison pour laquelle le film catastrophe s'enclenche est ridicule.
Une indigestion. Les pilotes sont malades. Avant de l'être, Peter
Graves, sorti de ses épisodes de Mission Impossible campe, avec un
sérieux olympien, toujours ce même ton neutre et aseptisé, un
pervers sexuel d'une joyeuse lubricité. Les répliques qu'il sert à
un gamin « tu aimes les films de gladiateurs ? » ou
« tu as déjà vu un homme tout nu ? » et pour finir
« as-tu déjà été dans une prison turque ? ».
L'aspect scabreux des questions est contredit par le ton du pilote
d'un naturel inébranlable, comme si ce qu'il sortait était banal.
Peter
Graves adopte une voix rassurante et sérieuse de l'homme qui
contrôle tout, disons celle de Burt Lancaster ou Charlton Heston qui
avait été le pilote des Airport les films que parodient les
ZAZ. Le titre original, moins chaloupé que le français, est
Airplane !, avec un point d'exclamation pour indiquer
clairement la parodie et le pastiche. Ce qui ne fonctionne en
français et s'avère fastidieux est la longue scène entre les noms
des pilotes, Oveur (Peter Graves) et Roger (Kareem Abdul-Jabbar), ce
qui dans le jargon de l'aviation a du sens. La blague qui brise la
quatrième mur avec ce même gamin qui affirme de Kareem est un
basketteur et non un pilote est plus amusante.
Embaucher
des acteurs tels Peter Graves, Lloyd Bridges, Leslie Nielsen et
Robert Stack c'est pour le trio de cinéastes faire dire à de
solides dramaturges les pires horreurs sur un ton sérieux. Ils
s'éloignent ainsi des canons parodiques établis par Mel Brooks dans
les années 1970 qui utilisait des comiques pour ses parodies
(horreur, western, comédie musicale puis ses films à sketches
balourds). A leur côté deux jeunes, l'hôtesse de l'air (Julie
Hagerty) et son ancien fiancé (Robert Hayes), un pilote de l'armée
traumatisé par la guerre. A eux deux, ils vont sauver l'avion.
Les
disputes conjugales comme celle des voix des aéroports sont le
ciment de ce comique, disputes entre l'image et le son. Montrer une
chose et entendre son contraire. Dans l'aéroport où se réunit
l'équipe de choc pour sauver l'avion, on donne des instructions très
sérieuses mais dans le cockpit, ces instructions sont
immanquablement rendues ridicules, l'exemple le plus frappant est le
pilote automatique, poupée gonflable au costume de pilote, le
« Otto » prend littéralement les commandes et se conduit
comme un humain, jusqu'à coucher avec l'hôtesse de l'air, confuse
qu'elle est dans sa relation avec son ancien fiancé.
Par
quelle guerre il a été traumatisé, le film ne le dit pas puisque
les cinéastes cherchent à dater le moins possible leur film –
c'est sans doute pour cela qu'il est encore amusant aujourd'hui –
ou plus précisément ils l'accrochent aux années 1940. Seconde
guerre mondiale plutôt Vietnam, en tout cas, deux scènes de From
here to eternity de Fred Zinneman est parodiée, celle de la
plage (Burt Lancaster) et celle de la bagarre (Ernest Borgnine et
Frank Sinatra). Chaque fois ça part vers le burlesque, la mer
devient trop violente dans le premier cas, la chanson de La Fièvre
du samedi soir dans le deuxième, concession à un succès
récent.
Le
scénario n'a pas vraiment d'importance, il reprendre à peine des
scènes de films célèbres (en ouverture un pastiche des Dents de
la mer, la mer de nuages et l'avion devenu un requin). Les
meilleurs gags sont ceux où l'absurde pur organise le défouloir
comique. Prenons celui où une passagère panique, une hôtesse vient
la secouer, le médecin lui donne une petite claque puis tous les
passagers viennent la frapper avec avec une violence croissante.
C'est ce grand écart entre la fiction et ce que peut supporter comme
exagération qui est le sel du comique parodique, et les ZAZ
excellent dans cet écart.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire