Parfois
quand je flâne dans un magasin de DVD ou dans une bibliothèque
municipale, des films me font de l’œil « regarde nous,
regarde nous » disent-ils tant que je les ai pas dans les
mains. J'hésite longtemps, je reviens vers eux, ils me font signe à
nouveau, c'est du flirt à n'en plus finir jusqu'à ce que je craque.
Cette fois c'est un coffret des Charlots qui m'aguiche
scandaleusement. Evidemment, compte tenu de ma passion pour la
comédie française et comme pour les films comiques, je cède à la
tentation.
Première
étape (sur neuf), un Claude Zidi, sobrement intitulé Les
Bidasses en folie. Le cinéma comique, en tout cas en France –
mais aussi à Hong Kong – est une affaire de génération. Chaque
décennie engendre son comique de cinéma (la nôtre c'est Kev Adams,
la précédente c'était Michael Youn), qui la décennie suivante est
oublié non sans s'être posé la question simple : comment
ont-ils fait pour aimer ça ? Les Charlots dans les années 1970
ont cueilli plus de 25 millions de spectateurs en France. Alors
pourquoi ?
L'idée
de groupe comique n'est pas nouvelle, les années 1960 l'ont souvent
expérimenté, d'un côté Louis de Funès dans la série du Gendarme
de Saint-Tropez (avec Jean Lefebvre, Michel Galabru, Grosso et
Modo, Christian Marin) débutée en 1964, de l'autre les Branquignols
(Robert Dhéry et Colette Brosset avec comme tête de gondole La
Belle américaine en 1961). Les Charlots dans Les Bidasses en
folie sont cinq, Luis Régo, Gérard Rinaldi, Gérard Filipelli
(dit Phil), Jean-Guy Fechner et Jean Sarrus.
Avant
d'être bidasses, ils rêvent d'être musiciens, de faire de la « pop
music ». Surtout pas du rock. Les premières scènes du film
sont effectivement très pop, très colorées, très vives, chaque
membre va en chercher un autre chez lui ou à son boulot, ils
enfilent leur plus belle tenue aux couleurs criardes et débarquent
avec leur instrument au beau milieu de nulle part. Il s'agit ici de
construire une utopie où les cinq jeunes hommes s'inventent une
nouvelle vie faire de bric et de broc dans un champ appartenant à
l'oncle de Phil.
C'est
presque un credo anarchiste qui se dessine totalement éloignée de
l'ordre établi et hiérarchisé des gendarmes de Louis de Funès
comme de la vie laborieuse dans les lotissements et les immeubles.
Claude Zidi présente cinq échalas qui refusent la vie classique et,
tel le joueur de flûte de Hamelin, il embarquent dans cette idée
une ribambelle de gamins, tout à la fois à l'image et dans les
salles de cinéma. L'esprit est celui de la communauté, cela passe
par la destruction des conventions et donc par le burlesque
infantile.
Pour
adoucir ce burlesque destructif, la femme arrive. Elle est incarnée
par Marion Game (que l'on connaît désormais surtout pour son rôle
de mémé indigne dans la série télé Scènes de ménage en duo
avec Gérard Hernandez), son personnage s'appelle Crème, ce qui
indique bien la dose de douceur qu'elle doit apporter au groupe. Les
cinq garçons la draguent éhontément, mais sa préférence va à
Gérard qui passe toujours la voir le lundi à sa boutique
d'instruments de musique, or le lundi elle est fermée.
Les
cinq gars, sur ses judicieux conseils, tentent quelques boulots
notamment éboueurs. Gérard conduit le camion poubelle en fumant
avec un port-cigarette, des lunettes noires et en blouson de cuir,
comme s'il sortait de boîte de nuit. C'est dans ces circonstance
qu'il croise pour la première fois le colonel qu'incarne Jacques
Dufilho. Il est déversé dans sa jeep de fonction le contenu de
plusieurs poubelles. La troupe ne sait pas encore qu'ils vont se
retrouver à la caserne car les cinq jeunes gens vont devoir faire
leur service militaire.
Ils
ne deviennent bidasses qu'en milieu de film transformant le burlesque
en comique troupier. Leur ennemi est le sergent Bellec campé par le
chauve Jacques Seiler. Dans cette moitié du film, tous les poncifs
du comique troupier sont déployés, avec cependant quelques gags qui
font mouche (un signe Peace & Love sur la paume de la main droite
de Jean Sarrus quand il doit faire le salut militaire, et sur sa
paume gauche il est écrit merde). Le comique joue sur
l'indiscipline et la désobéissance, éventuel sursaut post
soixante-huitard en pleine gloire de la présidence Pompidou.
Cependant
c'est le personnage de Jacques Dufilho qui s'avère le plus drôle
dans sa posture constamment douce face aux Charlots avec sa réplique
récurrente « je vous ai déjà vu » sans se rappeler où
et quand. Ce colonel fait preuve d'une inquiétante étrangeté dans
son calme olympien, ces facéties langagières, sa gestuelle élégante
et cette manière désinvolte de traiter son secrétaire, le prénommé
Olivier, sympathique barbu, autant dire un hippie, que le colonel
aimerait remplacer par Gérard en fin de film.
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