Encore
des collages, et des beaux arts, de la peinture moderne de Van Gogh
(le vrai) à Van Gogh
(celui de Pialat, avec son pinceau de bois qui écrase le bleu) du
ciel, des tableaux du MoMA ou des livres de la bibliothèque
d'Anne-Marie Miéville et Jean-Luc Godard. Ils se mettent à deux
pour faire ces 46 minutes. Le film a rarement été montré. Je
l'avais découvert en mai 2002 dans la salle Buñuel pendant le
Festival de Cannes, j'ai mis donc plus de 16 ans pour enfin retomber
sur ce film de collages, l'un des plus beaux du duo de cinéastes
suisses.
Comme
toujours, c'est un long texte qui est dit pendant tout le film,
Miéville et Godard se répondent et se contredisent, mais cette fois
hors vue, à part dans un plan en queue de film où ils viennent,
comme par magie du cinéma, devant des pellicules qui se rembobinent.
Le film est si rythmé, allegro ma non troppo, qu'il peut être vu
sans ces commentaires, qui sont, comme on s'en doute, du pur jus de
citations à l'égal du collage d'image. Parfois ils se répondent
mais rarement, comme une valse à plusieurs temps.
C'est
l'art qui les turlupine et par dessus le prix de l'art, vieux débat
qu'ils s'amusent à ressasser avec certaines photos jugées
artistiques, en vérité des images documentaires. Cette image d'un
petit Africain menacé par un vautour leur a coûté 2856 francs,
sans compter la TVA, mais est-ce vraiment de l'art ? Le collage
permet les comparaisons entre les photos d'actualité (Algérie 20e
siècle) et les œuvres (Italie 18e siècle). Ce collage montage est
surtout amusant, parfois cocasse, parfois injuste, mais déjà plus
fructueux qu'avec la politique.
Injuste
quand il fait suivre une photo de Sharon Stone en noir et blanc
saluant le public par une image des jeunesses nazies en train de
lever le bras droit. Tout le monde sourit mais ce sont les raccourcis
godardiens toujours difficiles à supporter dans ces années 1990.
c'est un radotage un peu honteux (il avait déjà fait des
comparaisons pas nettes dans JLG
JLG autoportrait de décembre).
Mais que dire ? Lui-même se compare en tout début à un old
people, comme si cela pouvait le dédouaner.
Les
années cinéma 1990 de Jean-Luc Godard sont surtout celles de la
guerre et son opus maximus sur le sujet est For
ever Mozart dont on voit
quelques extraits, cette guerre en ex Yougoslavie qui traîne ses
nouvelles hontes, illustrées ici par deux images qui se suivent,
celle d'un soldat mort (images d'actualité) et de Lemmy Caution
Eddie Constantine qui croise Don Quichotte et qui sonne la fin des
illusions. Je crois que c'est pour cela que The
Old place est si mélancolique
et si triste, comme si les illusions s'étaient toutes évaporées,
même au cinéma.
Car
finalement ce sont encore des vieux extraits de films qu'il donne à
voir, l'ancien ne vaut pas le nouveau, la modernité ne peut pas être
cantonnée dans un musée, fût-il à New York comme le MoMA qui
produit. Godard et Miéville vivent dans un monde où Picasso est une
voiture Citroën. Il ne reste dans les dernières minutes qu'à
Anne-Marie Miéville à se tourner vers la résistance et raconter
l'histoire l'A Bao A Qou, une créature de légende « dont ce
film est l'illustration » conclut Jean-Luc Godard.
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