dimanche 30 décembre 2018

The Old place (Anne-Marie Miéville & Jean-Luc Godard, 1999)

Encore des collages, et des beaux arts, de la peinture moderne de Van Gogh (le vrai) à Van Gogh (celui de Pialat, avec son pinceau de bois qui écrase le bleu) du ciel, des tableaux du MoMA ou des livres de la bibliothèque d'Anne-Marie Miéville et Jean-Luc Godard. Ils se mettent à deux pour faire ces 46 minutes. Le film a rarement été montré. Je l'avais découvert en mai 2002 dans la salle Buñuel pendant le Festival de Cannes, j'ai mis donc plus de 16 ans pour enfin retomber sur ce film de collages, l'un des plus beaux du duo de cinéastes suisses.

Comme toujours, c'est un long texte qui est dit pendant tout le film, Miéville et Godard se répondent et se contredisent, mais cette fois hors vue, à part dans un plan en queue de film où ils viennent, comme par magie du cinéma, devant des pellicules qui se rembobinent. Le film est si rythmé, allegro ma non troppo, qu'il peut être vu sans ces commentaires, qui sont, comme on s'en doute, du pur jus de citations à l'égal du collage d'image. Parfois ils se répondent mais rarement, comme une valse à plusieurs temps.

C'est l'art qui les turlupine et par dessus le prix de l'art, vieux débat qu'ils s'amusent à ressasser avec certaines photos jugées artistiques, en vérité des images documentaires. Cette image d'un petit Africain menacé par un vautour leur a coûté 2856 francs, sans compter la TVA, mais est-ce vraiment de l'art ? Le collage permet les comparaisons entre les photos d'actualité (Algérie 20e siècle) et les œuvres (Italie 18e siècle). Ce collage montage est surtout amusant, parfois cocasse, parfois injuste, mais déjà plus fructueux qu'avec la politique.

Injuste quand il fait suivre une photo de Sharon Stone en noir et blanc saluant le public par une image des jeunesses nazies en train de lever le bras droit. Tout le monde sourit mais ce sont les raccourcis godardiens toujours difficiles à supporter dans ces années 1990. c'est un radotage un peu honteux (il avait déjà fait des comparaisons pas nettes dans JLG JLG autoportrait de décembre). Mais que dire ? Lui-même se compare en tout début à un old people, comme si cela pouvait le dédouaner.

Les années cinéma 1990 de Jean-Luc Godard sont surtout celles de la guerre et son opus maximus sur le sujet est For ever Mozart dont on voit quelques extraits, cette guerre en ex Yougoslavie qui traîne ses nouvelles hontes, illustrées ici par deux images qui se suivent, celle d'un soldat mort (images d'actualité) et de Lemmy Caution Eddie Constantine qui croise Don Quichotte et qui sonne la fin des illusions. Je crois que c'est pour cela que The Old place est si mélancolique et si triste, comme si les illusions s'étaient toutes évaporées, même au cinéma.


Car finalement ce sont encore des vieux extraits de films qu'il donne à voir, l'ancien ne vaut pas le nouveau, la modernité ne peut pas être cantonnée dans un musée, fût-il à New York comme le MoMA qui produit. Godard et Miéville vivent dans un monde où Picasso est une voiture Citroën. Il ne reste dans les dernières minutes qu'à Anne-Marie Miéville à se tourner vers la résistance et raconter l'histoire l'A Bao A Qou, une créature de légende « dont ce film est l'illustration » conclut Jean-Luc Godard.




































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