Pour
avoir une petite idée de la manière dont Jean-Luc Godard conçoit
ses fameuses formules qui scandent ses films (ce qu'il appelait non
sans dérision « les dernières leçons du donneur » dans
le N°300 des Cahiers du cinéma dont il avait la charge), il faut
jeter un coup d’œil aux 30 dernières minutes de Soft and hard.
Assis de dos dans un canapé, faisant face à Anne-Marie Miéville,
il lance ses phrases, ses formules, ses propos péremptoires, ses
jeux de mots, ses anagrammes, ses charades, ses calembours. Sa
compagne les commente, les annote, les valide ou non.
Ce
travail d'un couple de cinéastes au travail s'était jusqu'alors
développé dans plusieurs projets communs, Ici et ailleurs,
les trois programmes télévisuels de la fin des années 1970 (Numéro
deux, Sur et sous la communication, France Tour Détour
Deux Enfants). Dans cette décennie suisse, Soft and hard
s'ancre dans ses 50 minutes vidéo qui ponctuent chaque long-métrage
de cinéma (Scénario du film Sauve qui peut la vie, Scénario
du film Passion, Petites notes à propos de Je vous salue
Marie), ce dernier film marque la collaboration la plus forte
entre le couple.
Soft
and hard peut ainsi être vu comme le travail préparatoire des
deux prochains film de Jean-Luc Godard, King Lear (tourné en
1986 avec Woody Allen, Peter Sellars et Leos Carax, sorti en 2002) et
Soigne ta droite, tous deux largement improvisés. Mais il est
aussi une critique de Détective. Anne-Marie Miéville trouve
que les dialogues de couple entre Nathalie Baye et Claude Brasseur
manquent de naturel et de force. Godard, un peu gêné par cette
critique, répond comme un enfant le ferait à son institutrice, que
ce n'est pas de sa faute, que c'est la faute à Nathalie.
Dans
cette vision de l'intimité du couple, tout entière tournée dans
leur appartement de Rolle, Anne-Marie prépare un bouquet de fleurs,
elle travaille sur sa bobineuse, elle regarde Le Mépris à la
télé. Jean-Luc lui s'allonge en peignoir dans le lit, débarque en
bermuda dans le salon et esquisse quelques mouvements de tennis, il
s'installe dans son bureau pour regarder du foot. Ce film vidéo de
48 minutes est volontiers nonchalant, un peu paresseux comme s'il
faisait une bonne blague à ses producteurs, la chaîne de télé
anglaise Channel 4.
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