J'ai
souvent confondu une scène de Désir de Frank Borzage avec
l'une du Roman d'un tricheur, celle du vol de bijoux. Marlene
Dietrich faisait croire à deux hommes qui ne se connaissaient pas
qu'elle était l'épouse de l'un et de l'autre. Mais chaque fois
j'imagine qu'elle fait le coup, bien plus simple, de la délicieuse
voleuse qu'incarne le temps d'une scène Rosine Deréan, nommée la
maîtresse, c'est à dire demander à Sacha Guitry de l'aider à
voler un joyau qu'elle fait placer dans une armoire qu'elle ferme à
clé pendant que son complice vole le bijou grâce à un trou fait
par leur soin dans la pièce adjacente.
Les
deux films sortis à quelques mois de distance en 1936 font la part
belle aux escrocs et aux tricheurs et l'un comme l'autre se déroulent
au sud de la France, essentiellement à Monaco dans Le Roman d'un
tricheur, ville des casinos où comme le rappelle Sacha Guitry
tout le monde naît avec un rateau de croupier. On imagine que les
représentants de la principauté n'auraient pas forcément très
apprécié de n'être vus que comme des tricheurs institutionnels.
Notre personnage – sans nom – se retrouve régulièrement à
Monaco soit comme croupier soit comme joueur, ce qui pour lui n'est
finalement guère différent.
Pour
aimer Le Roman d'un tricheur, il faut aimer passionnément la
voix de Sacha Guitry, elle est omniprésente et presque la seule
entendue dans le film. Le générique est comme d'habitude parlé,
marque de fabrique de Sacha Guitry, une manière pour lui de
présenter à l'image en les décrivant d'un court texte humoristique
non seulement ses interprètes mais aussi ses techniciens.
Finalement, Sacha Guitry cherche ainsi à s'éloigner du théâtre en
se faisant le narrateur principal et omniscient de son film, de son
roman, mais en disant toute la vérité sur son personnage de
tricheur, voilà l'astuce facétieuse du cinéaste.
L'entrée
en matière de la vie de ce tricheur, comme il s'en accuse lui-même
sur la terrasse d'un café parisien, commence par la mort des onze
membres de sa famille. Le vieil oncle avait ramassé des champignons.
Ils étaient empoisonnés. Tout le monde en a mangé sauf le gamin
puni et privé de repas pour avoir chapardé 8 sous. L'honnêteté ne
paie pas, notre personnage va tricher toute sa vie. Mais c'est ce
prologue qui est le morceau d'anthologie du Roman d'un tricheur,
un prologue guilleret et pourtant morbide, toute le génie du
paradoxe de Sacha Guitry. La mort détermine la vie future du gamin
puis du jeune homme (deux acteurs différents avant que Guitry ne
prête son corps massif).
Outre
le jeu, ce sont les femmes qui modèlent l'homme. Si Pauline Carton,
sa fidèle bonniche, joue une mégère, subtilement décrite comme un
dragon (c'est très drôle), seules deux femmes ont l'occasion de
faire entendre leur propre voix. Marguerite Moreno, la comtesse qui
30 ans auparavant dépucela le jeune homme et Fréhel qui chante une
chanson. Ni Rosine Deréan (sa voleuse préférée) ni Jacqueline
Delubac (son épouse à l'écran) ne donnent de la voix mais elles
s'uniront pour voler les croupiers avant que Sacha, dans de multiples
déguisements, le péché mignon du comédien, dont il gratifie le
finale, ne se range des tricheries.
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