Des
Japonais, caméra de télévision sur l'épaule, viennent filmer un
tournage de Federico Fellini à Cinecittà, il veut tourner une
adaptation de L'Amérique de Kafka. C'est cette intervista, cette
interview, dans une mise en abyme sans fin et vertigineuse, du cinéma
de Federico Fellini, le vrai est faux et le faux est vrai. La lune
est remplacée par de puissants projecteurs montés sur un
échafaudage tandis que le fidèle assistant du maestro Maurizio Mein
hurle ses ordres dans un mégaphone et que Fellini resté sur le
plancher des vaches lui répond avec un deuxième mégaphone. Il est
le chef d'orchestre de son univers.
Ce
prologue marque l'entrée des souvenirs de la vie professionnelle du
cinéaste – qui joue pour une fois son propre rôle – alors que
Amarcord donnait des souvenirs de la jeunesse de Fellini et
que 8 ½ était consacré à son délire créatif. Intervista
donne la méthode de mise en scène tout en indiquant comment tout
cela a commencé. Pour jouer Federico jeune, alors reporter pour un
magazine de cinéma en 1940, c'est Sergio Rubini qui donne sa
jeunesse et son corps à Federico Fellini, c'est le premier long
retour dans l'histoire de Intervista, un voyage en tramway à
travers Cinecittà, un travelling avant arrière.
Un
éléphant de carton-pâte, une star qui veut bien répondre à
l'interview de ce reporter mais n'est pas sûr que ce soit utile, une
impresario qui donne les réponses à Sergio car elle veut être
certaine que les journalistes ne changent pas les mots et un officier
mussolinien joué par un acteur qui lit l'Unita, le journal du PCI,
qui vient faire une visite dans les fameux studios. C'est un
flash-back de cette veine fellinienne de reconstitution des grands
décors mais tout en semblant entretenir un lien avec ces années
1980 (La Cité des femmes, Et vogue le navire), le
monde du spectacle fantasmé dans un chaos organisé.
Dans
ce passage en tramway, on découvrait des Indiens, comme dans un
western (Fellini n'en a jamais tourné), ils reviennent en fin de
film attaquer l'équipe de tournage, les antennes télé ont remplacé
les arcs et les flèches. Le message est très limpide, la télévision
est en train de prendre la place du cinéma. De la même manière,
tout le monde rêve de faire du cinéma, le casting en milieu de film
entre les deux grandes séquences montre cette recherche de la gloire
éphémère et de l'argent immédiat plutôt que de la pratique
artistique, ces fameuses gueules felliniennes que réclame la jeune
japonaise.
Même
Marcello Mastroianni est obligé de faire de la publicité. Déguisé
en Mandrake, il tourne juste à côté du bureau de Fellini. Il
apparaît comme un magicien dans un beau costume noir, chapeau
claque, baguette à la main, les yeux cernés de noir, il débarque
sur un monte-charge, la magie du cinéma, entouré d'un voile et des
ballons gonflables. Le pauvre Mastroianni, des dizaines de films
derrière lui, est obligé de faire des pubs pour vivre, telle est la
situation du cinéma italien dans les années Berlusconi. Marcello
Mastroianni avait jouait dans 8 ½ le double de Fellini,
aujourd'hui, le cinéaste a choisi un autre acteur.
Fellini
lui présente son jeune double et l'embarque dans sa Mercedes pour
une virée à la campagne. La plus belle séquence d'Intervista
commence, c'est la visite à Anita Ekberg, 26 ans après La Dolce
vita dans sa maison de
campagne.Dans une serviette éponge qui enveloppe son corps de 1987,
elle accueille tout se beau monde et Mandrake sort de sa baguette un
écran de cinéma et il se joue la scène de la fontaine de Trevi.
Les larmes d'Anita, le petit sourire de Marcello, un verre de liqueur
et tout ce beau monde, Federico, Sergio, Maurizio et les Japonais
sont spectateurs de ces retrouvailles. C'est ça la magie du cinéma !
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