lundi 10 décembre 2018

Les Maraudeurs attaquent (Samuel Fuller, 1962)

18 ans avant The Big Red One, Samuel Fuller filmait le même sujet, avec un récit quasi identique et situé également en 1942 dans Les Maraudeurs attaquent. En revanche, il change de continent, il se déplace en Asie dans la jungle birmane alors colonie britannique mais occupée par l'armée japonaise. Le vaillant colonel Merrill (Jeff Chandler) doit mener cette longue marche, il doit mener 3000 soldats pour reprendre une position essentielle pour libérer le Birmanie.

L'histoire est inspirée de faits réels mais, comme il l'a écrit, ce sont les souvenirs de guerre que Samuel Fuller raconte dans ce film, de manière détournée avant qu'il ne puisse enfin tourner sa propre histoire. Ce sont encore une fois les détails qui comptent dans la description de la vie de quelques soldats de cette troupe de 3000 soldats, déjà, il se concentre sur une poignée d'hommes aux caractères et origines différents.

Merrill peut compter sur la force et le charisme du lieutenant Stockton (Ty Hardin) que tout le monde appelle tout simplement Stock. Ce qui ne plaît pas forcément à la hiérarchie qui aime qu'on respecte la hiérarchie et le protocole, mais Stock aime que les hommes l'appellent ainsi. Stock traite son supérieur comme son égal, comme le laisse entendre les dialogues, ils sont complices comme peuvent parfois l'être un père et son fils.

Ce qui frappe dans cette escouade en mouvement est l'apparente décontraction des hommes. Pour ces rôles de durs à cuire, Samuel Fuller a choisi de gars bien bâtis (pas comme ces blancs-becs dans The Big Red One). Les chemises ouvertes (là encore en contradiction avec la tenue stricte exigée par les hauts gradés) laissent apparaître la sueur sur leur peau, la sueur est l'élément réaliste du film de guerre chez Samuel Fuller.

Tourné sous la censure langagière en cours à Hollywood en ce début des années 1960, Les Maraudeurs attaquent aurait pu être l'un des films les plus crus sur la guerre. On sent que chaque soldat, ce Stock mais aussi le dénommé Bullseye (Peter Brown) se retiennent pour ne pas sortir des « fuck » à chaque phrase. Mais les tenues débraillées, les barbes d'une semaine et la sueur sont là pour indiquer la fatigue et la haine de la guerre.

Un film d'hommes avec aucun rôle féminin à l'exception d'une séquence de repos dans un village birman, filmé exactement comme Samuel Fuller le fera dans The Big Red One, une rencontre sereine et reposante avec les habitants, la découverte (fugace certes) de leur vie quotidienne et un repas pris en tout simplicité. Cela se sent que Samuel Fuller est à l'aise dans ce rythme narratif et qu'il le développera 18 ans plus tard.

L'humour est distillé avec parcimonie, il est développé avec ce soldat portant un chapeau de paille. Ce sympathique barbu est accompagnée d'une jument qui, elle aussi, porte un chapeau, seules ses oreilles transpercent le couvre-chef. Tandis que les hommes s'enfoncent dans la jungle, que la fatigue les assaille, la jument devient le réceptacle de l'émotion quand elle manque de mourir lors de la traversée d'une falaise escarpée.


Restent donc les scènes de combat armé dans les marais poisseux ou dans ce bunker japonais qui ressemble à un inextricable labyrinthe, la plus belle métaphore de la folie de la guerre. C'est déjà une immersion dans l'armée américaine (les Japonais sont hors champ) qui dénonce l'inconséquence des hauts-gradés et donne une vision nuancée de l'héroïsme, Claude Akins, l'homme de troupe qui doit remettre les ordres à Merrill, annonce les mauvaises nouvelles à Stock, est le symbole de cette guerre contre l'héroïsme.


























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