18
ans avant The Big Red One, Samuel Fuller filmait le même
sujet, avec un récit quasi identique et situé également en 1942
dans Les Maraudeurs attaquent. En revanche, il change de
continent, il se déplace en Asie dans la jungle birmane alors
colonie britannique mais occupée par l'armée japonaise. Le vaillant
colonel Merrill (Jeff Chandler) doit mener cette longue marche, il
doit mener 3000 soldats pour reprendre une position essentielle pour
libérer le Birmanie.
L'histoire
est inspirée de faits réels mais, comme il l'a écrit, ce sont les
souvenirs de guerre que Samuel Fuller raconte dans ce film, de
manière détournée avant qu'il ne puisse enfin tourner sa propre
histoire. Ce sont encore une fois les détails qui comptent dans la
description de la vie de quelques soldats de cette troupe de 3000
soldats, déjà, il se concentre sur une poignée d'hommes aux
caractères et origines différents.
Merrill
peut compter sur la force et le charisme du lieutenant Stockton (Ty
Hardin) que tout le monde appelle tout simplement Stock. Ce qui ne
plaît pas forcément à la hiérarchie qui aime qu'on respecte la
hiérarchie et le protocole, mais Stock aime que les hommes
l'appellent ainsi. Stock traite son supérieur comme son égal, comme
le laisse entendre les dialogues, ils sont complices comme peuvent
parfois l'être un père et son fils.
Ce
qui frappe dans cette escouade en mouvement est l'apparente
décontraction des hommes. Pour ces rôles de durs à cuire, Samuel
Fuller a choisi de gars bien bâtis (pas comme ces blancs-becs dans
The Big Red One). Les chemises ouvertes (là encore en
contradiction avec la tenue stricte exigée par les hauts gradés)
laissent apparaître la sueur sur leur peau, la sueur est l'élément
réaliste du film de guerre chez Samuel Fuller.
Tourné
sous la censure langagière en cours à Hollywood en ce début des
années 1960, Les Maraudeurs attaquent aurait pu être l'un
des films les plus crus sur la guerre. On sent que chaque soldat, ce
Stock mais aussi le dénommé Bullseye (Peter Brown) se retiennent
pour ne pas sortir des « fuck » à chaque phrase. Mais
les tenues débraillées, les barbes d'une semaine et la sueur sont
là pour indiquer la fatigue et la haine de la guerre.
Un
film d'hommes avec aucun rôle féminin à l'exception d'une séquence
de repos dans un village birman, filmé exactement comme Samuel
Fuller le fera dans The Big Red One, une rencontre sereine et
reposante avec les habitants, la découverte (fugace certes) de leur
vie quotidienne et un repas pris en tout simplicité. Cela se sent
que Samuel Fuller est à l'aise dans ce rythme narratif et qu'il le
développera 18 ans plus tard.
L'humour
est distillé avec parcimonie, il est développé avec ce soldat
portant un chapeau de paille. Ce sympathique barbu est accompagnée
d'une jument qui, elle aussi, porte un chapeau, seules ses oreilles
transpercent le couvre-chef. Tandis que les hommes s'enfoncent dans
la jungle, que la fatigue les assaille, la jument devient le
réceptacle de l'émotion quand elle manque de mourir lors de la
traversée d'une falaise escarpée.
Restent
donc les scènes de combat armé dans les marais poisseux ou dans ce
bunker japonais qui ressemble à un inextricable labyrinthe, la plus
belle métaphore de la folie de la guerre. C'est déjà une immersion
dans l'armée américaine (les Japonais sont hors champ) qui dénonce
l'inconséquence des hauts-gradés et donne une vision nuancée de
l'héroïsme, Claude Akins, l'homme de troupe qui doit remettre les
ordres à Merrill, annonce les mauvaises nouvelles à Stock, est le
symbole de cette guerre contre l'héroïsme.
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