mercredi 5 décembre 2018

Breaking away (Peter Yates, 1979)


Dans une petite rue de l'Indiana dans la ville de Bloomington, cité pavillonnaire moyenne du mid-west des Etats-Unis, un jeune gars se trimbale en vélo de course en chantant à tue-tête du bel canto. Jeune italo-américain, pourrait-on penser. Mais il n'en est rien, le blondin s'appelle Dave (Dennis Christopher), pur produit WASP, fils de baby boomer mais il se prend pour un Italien. « Pourvu que tu deviennes pas catholique » lui dit sa mère compréhensive Evelyn (Barbara Barrie).

Son père Ray (Paul Dooley) est moins compréhensif. Son fils passe son temps à faire du vélo mais lui vend des voitures d'occasion, ce qui est le summum du rêve américain pour un gars du coin dans cette nation entièrement dédiée à l'automobile. Là est le premier paradoxe de Breaking away qui n'en manquera pas. Ce pauvre père, qui aimerait que Dave lui succède, n'en peut plus que son fiston, qui a pris une année sabbatique, chante en italien, parle en italien, roule en italien.

Du bel canto, de l'opéra, voilà qui change des groupes de rock des années 1970 censé structurer le récit en chœur antique et affirmer les sentiments des personnages. Dans une critique de l'époque (celle des Cahiers du cinéma) quand le film s'appelait encore La Bande des quatre, on évoquait les liens du film avec American graffiti de George Lucas, un teen movie sur ce passage entre l’adolescence et la vie d'adulte, mais cette musique italienne et cette pratique du vélo change tout.

A vrai dire, j'ai plus pensé à La Fièvre du samedi soir, sorti un an plus tôt, certes le disco n'est pas le vélo, mais le fait que Dave s'investisse dans une identité italienne, comme les personnages du film de John Badham l'étaient, est original. Rappelons à toute fin utile qu'il aurait pu être un cycliste français d'autant qu'à l'époque Bernard Hinault venait de remporter le Tour de France, le cyclisme était donc français, Dave en fait une allusion en fin de film.

Les potes de Dave s'amusent de cette personnalité. Ils sont là sur la falaise de la carrière, des blocs carrés qui donnent sur un lac bleu turquoise, l'été est là. Mike (Dennis Quaid) apparaît comme le chef du groupe, d'ailleurs il conduit (le vélo est parfois sur le toit du véhicule). Il jouait au baseball au lycée, il était promis à une brillante carrière, mais tout s'est envolé sauf son arrogance. Signe particulier, il a toujours une cigarette à la main mais il ne la fume pas.

Les deux autres sont Moocher (Jackie Earl Haley), de l'acné plein le visage, un garçon solitaire, tout petit ce qui lui vaut des moqueries mais le seul à avoir une petite amie qu'il compte bien épouser. Le dernier est le plus discret, Cyril (Daniel Stern), tout en étant le comique de la bande. Ce sont quatre caractères différents qui se sont fait des promesses de vivre toujours ensemble, de travailler ensemble, d'être amis pour la vie. Tous sauf Mike savent que ça ne va pas durer.

Mais cette année sabbatique prise à la fin du lycée touche à sa fin. Les étudiants du coin commencent à empiéter sur leur territoires. La bande à Mike se baigne dans le lac artificiel en short, en jean's, mais les étudiants sont là en maillots de bains, ils rompent avec la tradition, ils veulent presque expulser ceux qu'ils appellent les « cutters », les gars des carrière, ce qui est péjoratif pour eux. Mike s'emporte, veut défier ces mecs prétentieux, il se fera humilier dans les eaux du lac.

La carrière, c'est cette vie que Dave et ses amis rejettent en bloc, comme son père devenu vendeur de voitures pour échapper à cette vie. Katherine (Robyn Douglass), la jeune étudiante sera draguée en italien, Caterina devient-elle et avec une sérénade sous sa sororité et avec des applaudissements de toutes les étudiantes venues observer cet étrange spectacle de Dave au chant et Cyril à la guitare. Le mec de Katherine n'est pas content du tout et tout se réglera dans la géniale course de vélo du finale.

La comédie est légère tant que dure l'été mais la rentrée approche. Cependant le charme de Breaking away n'est pas dilué dans le drame forcé (on n'est pas dans un film estampillé Nouvel Hollywood) et le double happy end ne sombre pas dans le cucul-la-praline. C'est tellement rare un tel équilibre, c'est une belle surprise d'avoir sorti ce film de l'oubli (il avait très bien marché en 1979), j'espère que les distributeurs oseront rééditer ça et que les projectionnistes continueront de soutenir ce cinéma.

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