Dans
une petite rue de l'Indiana dans la ville de Bloomington, cité
pavillonnaire moyenne du mid-west des Etats-Unis, un jeune gars se trimbale en vélo de course en chantant à tue-tête du bel canto.
Jeune italo-américain, pourrait-on penser. Mais il n'en est rien, le
blondin s'appelle Dave (Dennis Christopher), pur produit WASP, fils
de baby boomer mais il se prend pour un Italien. « Pourvu que
tu deviennes pas catholique » lui dit sa mère compréhensive
Evelyn (Barbara Barrie).
Son
père Ray (Paul Dooley) est moins compréhensif. Son fils passe son
temps à faire du vélo mais lui vend des voitures d'occasion, ce qui
est le summum du rêve américain pour un gars du coin dans cette
nation entièrement dédiée à l'automobile. Là est le premier
paradoxe de Breaking away qui n'en manquera pas. Ce pauvre
père, qui aimerait que Dave lui succède, n'en peut plus que son
fiston, qui a pris une année sabbatique, chante en italien, parle en
italien, roule en italien.
Du
bel canto, de l'opéra, voilà qui change des groupes de rock des
années 1970 censé structurer le récit en chœur antique et
affirmer les sentiments des personnages. Dans une critique de
l'époque (celle des Cahiers du cinéma) quand le film s'appelait
encore La Bande des quatre, on évoquait les liens du film
avec American graffiti de George Lucas, un teen movie sur ce
passage entre l’adolescence et la vie d'adulte, mais cette musique
italienne et cette pratique du vélo change tout.
A
vrai dire, j'ai plus pensé à La Fièvre du samedi soir,
sorti un an plus tôt, certes le disco n'est pas le vélo, mais le
fait que Dave s'investisse dans une identité italienne, comme les
personnages du film de John Badham l'étaient, est original.
Rappelons à toute fin utile qu'il aurait pu être un cycliste
français d'autant qu'à l'époque Bernard Hinault venait de
remporter le Tour de France, le cyclisme était donc français, Dave
en fait une allusion en fin de film.
Les
potes de Dave s'amusent de cette personnalité. Ils sont là sur la
falaise de la carrière, des blocs carrés qui donnent sur un lac
bleu turquoise, l'été est là. Mike (Dennis Quaid) apparaît comme
le chef du groupe, d'ailleurs il conduit (le vélo est parfois sur le
toit du véhicule). Il jouait au baseball au lycée, il était promis
à une brillante carrière, mais tout s'est envolé sauf son
arrogance. Signe particulier, il a toujours une cigarette à la main
mais il ne la fume pas.
Les
deux autres sont Moocher (Jackie Earl Haley), de l'acné plein le
visage, un garçon solitaire, tout petit ce qui lui vaut des
moqueries mais le seul à avoir une petite amie qu'il compte bien
épouser. Le dernier est le plus discret, Cyril (Daniel Stern), tout
en étant le comique de la bande. Ce sont quatre caractères
différents qui se sont fait des promesses de vivre toujours
ensemble, de travailler ensemble, d'être amis pour la vie. Tous sauf
Mike savent que ça ne va pas durer.
Mais
cette année sabbatique prise à la fin du lycée touche à sa fin.
Les étudiants du coin commencent à empiéter sur leur territoires.
La bande à Mike se baigne dans le lac artificiel en short, en
jean's, mais les étudiants sont là en maillots de bains, ils
rompent avec la tradition, ils veulent presque expulser ceux qu'ils
appellent les « cutters », les gars des carrière, ce qui
est péjoratif pour eux. Mike s'emporte, veut défier ces mecs
prétentieux, il se fera humilier dans les eaux du lac.
La
carrière, c'est cette vie que Dave et ses amis rejettent en bloc,
comme son père devenu vendeur de voitures pour échapper à cette
vie. Katherine (Robyn Douglass), la jeune étudiante sera draguée en
italien, Caterina devient-elle et avec une sérénade sous sa
sororité et avec des applaudissements de toutes les étudiantes
venues observer cet étrange spectacle de Dave au chant et Cyril à
la guitare. Le mec de Katherine n'est pas content du tout et tout se
réglera dans la géniale course de vélo du finale.
La
comédie est légère tant que dure l'été mais la rentrée
approche. Cependant le charme de Breaking away n'est pas dilué
dans le drame forcé (on n'est pas dans un film estampillé Nouvel
Hollywood) et le double happy end ne sombre pas dans le
cucul-la-praline. C'est tellement rare un tel équilibre, c'est une
belle surprise d'avoir sorti ce film de l'oubli (il avait très bien
marché en 1979), j'espère que les distributeurs oseront rééditer
ça et que les projectionnistes continueront de soutenir ce cinéma.
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