Il
suffit d'un plan qui saisit l'attention pour capturer son spectateur
dans son filet. Jack Arnold est familier de la chose et dans
Tarantula, il ne s'agit pas des rats, lapins, hamsters ou
araignée géants mais des mains qui ont créé ces monstres. Un plan
fixe qui égaré hors de son contexte aurait de quoi soulever bien
des mystères et des énigmes, mais rapporté dans la montage
linéaire du récit prend tous son sens. Vue en plongée, donc
démiurgique, sur une cage de verre, deux longs gants noirs de latex
commencent à s'animer.
Il
y a toute la science des années 1950 dans ce plan, la folie qui
submerge les savants tel ce Professeur Deemer (Leo G. Carroll) isolé
au milieu du désert. Il expérimente dans son laboratoire et se
protège avec ces gants de ce qu'il cherche à créer, l'accélération
de la vie, les atomes qu'il veut dompter. Preuves à l'appui avec ces
animaux dont un graphique confirme la croissance rapide. Les mains
gantées prennent la seringue et la seringue se remplit d'un liquide
tirée de la fiole. Ce plan contient à la fois de la science et de
la magie noire.
La
spectateur savait pertinemment que ce produit est maléfique, tout au
moins qu'il procure des effets bien différents de ceux escomptés.
Au moins sur l'homme, car pour les animaux, il se trouve devant une
attraction foraine, devant un film de Tod Browning, les peluches
géantes remplacent les poupées vivantes. Mais cet homme qui titube
en début de film est un monstre au visage difforme et sans la
protection des gants, il est devenu ainsi. Là, on est au-delà du
monstre de foire, on est dans l'expérimentation scientifique et
c'est cela qui fait peur.
Le
savant fou est face à l'esprit raisonnable du bon docteur de famille
qu'est Matt Hastings (John Agar). Lui, vit au milieu de la ville de
Desert Rock, il est aimé de sa communauté, il n'esquive aucune
question, aucun regard, aucune visite contrairement au savant. Mieux
que cela, le médecin tombe aussi amoureux de Stephanie Clayton (Mara
Cordey) l'assistante du savant quand ce dernier ne daigne pas
regarder la jeune femme, une perfection de la nature selon les canons
hollywoodiens. Elle porte des gants blanc, c'est donc symboliquement
le signe de sa bonne nature.
Cette
nature reprend toujours le dessus sur les manipulations humaines.
Quand le savant fait exploser son laboratoire, la tarentule s'échappe
de sa cage de verre. Désormais retournée dans le désert, elle a
reçu de ces mains gantées une malédiction dont elle va chercher à
se venger en attaquant les hommes. Les effets spéciaux de Tarantula
sont magnifiques, parfaitement réussis pour montrer cette araignée
géante qui occupe la moitié du cadre, comme les mains du professeur
le faisaient dans ce plan qui irrigue toute l'intrigue.
Ce
noir si puissant dans la plan, surgissant de dernière les montagnes,
parfois en les faisant s'effondrer, il prend de plus en plus de
place, il envahit la nature (le désert) puis le monde des humains,
l'autoroute, lieu de liaison entre la ville et l'antre du savant
avant d'accéder plus imposante que jamais à la ville. Ce qui menace
donc les piliers de la civilisation américaine, cet équilibre avec
la nature, c'est une peur de l'époque, moins celle de la guerre
froide que celle de la science expérimentale désignée comme
l'ultime frontière à ne pas franchir.
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