S'approcher
du folklore pour mieux s'en éloigner, Mon père premier film
d'un jeune cinéaste péruvien fonctionne ainsi. De grands et larges
paysages de montagne, le pays Quechua (pas la marque de vêtements de
montagne amis grenoblois) et sa langue, la première fois qu'elle est
parlée dans un film. L'espagnol ne sera entendu que dans une courte
scène quand Noé (Amiel Cayo) le père et son fils Segundo (Junior
Bejar) quittent leur atelier pour vendre leurs figurines dans un
magasins attrape-touristes. On les voit ces touristes dans la ville.
La
première scène est dans le noir complet, on entend le fils, à peu
près 15 ans, décrire par le menu à son père ceux qu'il a devant
lui. C'est de mémoire qu'il conserve les détails des familles
qu'ils vont sculpter en figurines – faite en pâte de pomme de
terre – pour les inclure dans un retable. Les portants du retable
sont illustrées de fleurs colorées, c'est très beau, c'est ce
folklore quechua qui est dépeint mais le cinéaste évite l'écueil
du film ultra documenté, cette mode actuelle pas déplaisante en
soi, mais qui parfois encombre la fiction.
« Tu
ne seras pas paysan, tu seras artisan » dit Anatolia (Magaly
Solier) à son fils Segundo. Le père transmet à son fils son
savoir, tout le monde appelle Noé « maestro » partout où
il se rend, il est invité à des banquets. C'est, d'une certaine
manière, la belle vie pour Segundo, très éloignée de celle des
éleveurs voisins. Dans la ferme à côté de chez eux vit le jeune
Mardonio (Mauro Chuchon) qui passe l'été à donner à manger aux
cochons, il mime sur eux le coït, il rêve d'aller baiser la belle
Felicita (Claudia Solis), la jeune commerçante qui donne des
planches à Noé pour ses retables.
Mardonio
a toujours la parole sexuelle à la bouche, c'est ce sujet là que le
film aborde pour d'éloigner du folklore. Car Noé est surpris par
son fils en pleine branlette et Segundo en est perturbé, comme un
enfant dans un film de Yasujiro Ozu, il fait la grève de la parole,
il semble ne plus comprendre son père. Mardonio dans sa logorrhée
verbale joint souvent le geste à la parole, un geste brutal qui agit
presque comme un viol aux yeux de Segundo. Le film joue sur la
découverte du corps masculin qui demeure une énigme pour le jeune
homme.
S'éloigner
de son père consiste ainsi à détruire le lien qui l'unit à lui.
Ne pas devenir artisan mais devenir paysan, Segundo se laisse
convaincre par Mardonio d'aller dans la vallée cueillir du coton. Il
est d'autant plus d'accord quand toute la communauté à rejeté son
père, mais l'ado se fait rejeter, violemment à son tour, la même
violence avec laquelle mimait l'acte sexuel se déploie dans les
coups de poing que donne Mardonio à Segundo lorsque le gamin, un
retable sur le dos, traverse le terrain de foot.
La
beauté de la tradition laisse place dans la deuxième moitié du
film aux préjugés les plus ancestraux. Ce sont les deux faces d'une
même médaille qui décrit le cinéaste péruvien, la finesse du
trait, le vernis plaisant (la part touristique, mais aussi dans une
métaphore filée le film de festival) cache un monde gris que le
directeur de la photographie capte avec rudesse, un monde inconnu,
presque un film d'horreur qui, malgré quelques défauts de rythme et
d'interprétation, donne un ton singulier au film.
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