George
Roundy est un coiffeur, attention, pas une shampooineuse, comme il le
fait remarquer avec dédain à Norman son patron. George travaille
dans un prestigieux salon de Beverly Hills où toutes ces dames,
toutes blondes, toutes blanches, sont coiffées par des messieurs,
tous gay, bien évidemment. George est le coiffeur vedette, celui que
toutes les clientes s'arrachent, et il est tellement demandé par
toutes ces femmes qu'il doit parfois interrompre son ouvrage et
quitter précipitamment le salon pour traverser les collines des
quartiers huppés pour aller faire un brushing à ses clientes les
plus fidèles et les plus exigeantes.
George
dégaine son sèche-cheveux, chevauche sa moto Triumph et les cheveux
au vent court à le rescousse des chevelures éplorées. George,
incarné par Warren Beatty, à la fois producteur, co-scénariste
avec Robert Towne et acteur principal, pense qu'il est grand temps de
fonder son propre salon. Hippie sur le retour, il troque
momentanément son blouson de cuir, sa chemise blanche ouverte sur sa
poitrine et ses pendentifs pour une veste et une cravate. Il va
rencontrer un banquier. Il s'est mis bien propre pour montrer qu'il
est capable d'être un patron. Mais quand le banquier lui cause
argent et emprunt, George lui répond brushing et Barbara Rush. Il
n'aura pas son prêt.
George
a d'autres ressources : lui-même en tout premier lieu et ses
nombreuses maîtresses. Car si toues les coiffeurs sont gay pour les
habitants de Beverly Hills, George est un homme à femmes. Parmi ses
fidèles clientes, Felicia Karpf (Lee Grant) épouse d'un homme
d'affaires qui pourra l'aider dans ses finances, surtout s'il ne
révèle pas son hétérosexualité. Shampoo s'ouvre avec une
scène de lit, au beau milieu de la nuit où Felicia et George font
l'amour. D'abord totalement noir, l'écran s'éclaircit peu à peu
quand le téléphone sonne et que George file en vitesse laissant sa
maîtresse en plan.
Dans
Shampoo, George passe d'une femme à l'autre avec allégresse.
Felicia, cette épouse mère de famille qui s'ennuie dans sa grande
maison. Elle a une fille Loran (Carrie Fisher, dans son premier rôle)
avec qui il couchera aussi. Jill (Goldie Hawn), jeune femme pimpante
mais vite angoissée, sa petite copine « officielle »
qu'il va justement retrouver quand il quitte Felicia. Et enfin,
Jackie (Julie Christie) qui se trouve être une amie très proche de
Jill mais aussi la maîtresse de Lester Karpf (Jack Warden), le mari
de Felicia. Tout ce petit monde s'observe, s'échange les faveurs de
George et surtout de son corps.
Tout
le film d'Hal Ashby se déroule sur quelques heures, un peu plus
d'une journée. Mais pas n'importe quelle journée. Le récit
commence la veille de l'élection de Richard Nixon, candidat pour la
deuxième fois. Dans son fief de Californie, où Ronald Reagan venait
de se faire élire gouverneur, tout le monde fait campagne pour
Nixon, et en tout premier lieu les Karpf. Lester, qui a accepté
d'aider George à ouvrir son salon, lui demande de venir accompagnée
de Jackie (à qui il fait pour l'occasion une permanente d'enfer).
Jill viendra avec Johnny Pope (Tony Bill), un producteur qui peut
l'aider pour sa carrière d'actrice.
Le
meeting républicain est le moment le plus drôle de Shampoo.
Le discours d'un leader du Parti républicain n'est pas piqué des
hannetons, il annone des borborygmes et se met à fredonner un chant
incompréhensible, sans que personne ne semble vouloir l'interrompre.
Jackie qui passe son temps à boire du Chablis se dévergonde et
passe sous la table « pour sucer la bite » de George.
Avec une longue robe noire qui laisse apparaître tout son dos nu,
elle décide de provoquer Lester qui est venu accompagné de Felicia.
Tout cela crée un bel esclandre, Jackie et George doivent fuir à
toute vitesse, vite suivis de Jill, Lester et le producteur.
Ce
meeting, filmé avec causticité, est immédiatement suivi par une
soirée de hippies, très excentrique. Hal Ashby a plus de tendresse
pour les hippies que pour les Républicains. Les corps s'entassent
les uns sur les autres dans le salon d'une immense demeure, les
vêtements sont bariolés, les joints tournent, les gens baisent
partout. George était incongru au meeting républicain, c'est au
tour de Lester d'être lâché au beau milieu de cette faune qu'il
n'avait jamais approchée. Dans ces deux séquences, la musique des
Beatles scande chaque soirée, Lucy In The Sky With Diamonds chez les
hippies, Yesterday chez les Républicains.
La
veille les USA étaient dirigés par un Démocrate, le lendemain
Nixon est élu Président. Toutes les cartes sont rebattues. Pour
George c'est également une rupture, sa gentillesse qui confine
parfois à la naïveté va s'éteindre après cette folle nuit. Il
perdra ses trois maîtresses, sans doute Lester ne l'aidera pas à
créer son salon de coiffure. Ce 4 novembre 1968 amorce la fin de
l'innocence pour toute une génération et la poursuite du cynisme
dans la glorieuse Amérique unie de Richard Nixon. Cette fin, Hal
Ashby la filme avec une infinie tristesse.
2 commentaires:
"Shampoo, le meilleur film jamais fait sur le smog,
le sexe, les années soixante-dix et Los Angeles."
in Caractères, Philippe Garnier, Grasset, 2006
(page 34)
Ah tiens, en faisant les captures d'écran, j'ai pu vérifier : il s'agit bien d'une pêche, comme tu les disais.
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