Plonger
dans Les
Funérailles des roses,
c’est se retrouver dans un autre espace-temps, un cinéma qui n’est
ni narratif, ni documentaire, ni expérimental, mais un peu tout cela
à la fois. Film hybride comme il s’en faisait beaucoup dans la
nouvelle vague japonaise mais qui est resté dans les mémoires à
cause de son sujet, somme toute rarement abordé, les travestis.
Eddie (Peter), jeune et joli travesti est suivi à la trace dans sa
vie amoureuse, dans son travail et dans sa vie familiale. Eddie sort
avec un homme plus âgé, qui semble être son patron. Il bosse dans
un night-club avec d’autres travestis. On découvre cette vie
nocturne où des clients viennent s’encanailler loin de leurs
foyers, loin de leurs femmes. Les jeunes travestis les divertissent
avec leurs jeux de séduction auxquels personne n’est dupe.
A
priori, ce night-club ne cache pas un réseau de prostitution mais se
distingue des autres boites de nuit, justement parce que la clientèle
est gay. Face caméra, les travestis (Eddie et ses amis) répondent
tant bien que mal à quelques questions maladroites sur leur mode de
vie « allez vous vous habiller en femmes toute votre vie ».
En parallèle, des images de manifestants réprimés par la police
sont montrées. On est en pleine guerre du Viet-Nam et certains
étudiants, comme les travestis qui regardent une manif silencieuse
et hiératique, ne veulent plus des règles de ce monde. Le film
refuse de la même manière la narration traditionnelle, la fiction
habituelle. Ici, seules des bribes de récit (la vie d’Eddie, la
jalousie de Leda, le pouvoir de Rabbit) est le fil conducteur du
film. Tout est déstructuré comme la mise en scène, comme la vie
d’Eddie, comme la société japonaise de 1969. Il fallait alors
surprendre le spectateur, le mettre mal à l’aise et faire dans
l’originalité. En fait, le film retombe un peu trop facilement sur
ses pattes et finit par être classique.
Toute
une panoplie d’effets est mise en œuvre pour rendre Funérailles
des roses original. La peau d’Eddie et de son amant sont filmées
de très près, dans une lumière quasi blanche, comme surexposée
(le film est en noir et blanc). Régulièrement, une scène est
coupée cut par une image qui intervient de manière quasi
subliminale (une ligne d’hommes nus, une photo de famille où le
visage du père brûle, le numéro de visa en gros plan). On y
découvre une courte scène où une femme saigne de l’abdomen,
image récurrente qui s’avérera être celle de la mère d’Eddie.
A de nombreuses reprises, un vase rempli de roses tombe sur le sol au
ralenti. Deux fois, pour donne un effet comique, la scène est
accélérée : une fois sur une danse de French cancan, plus
tard dans une baston entre travestis et rockeuses. Le réalisateur
rend évidemment, avec toute cette variété d’images, hommage à
plusieurs cinéastes parmi lesquels Jean-Luc Godard et Ingmar Bergman
dont les ombres planent de manière évidente.
Film
cerveau, celui d’Eddie un peu dérangé, Les
Funérailles des roses
alterne l’humour et la plus
grande tristesse. Sans dévoiler le finale, on comprend qu’Eddie
aie la haine de la société dans laquelle il vit. Eddie se cherche
et le réalisateur multiplie les scènes avec des miroirs. A
commencer par celle de la réplique dans Blanche Neige et les sept
nains. Plus tard, Eddie fera l’amour avec son patron devant un
miroir ou il fera une confession face à la caméra qui s’avère
être une mise en abyme. Enfin, il s’embrassera dans un miroir
après s’être maquillé et se ramassera une grosse gifle de sa
mère. Les dialogues sont décousus, ce qui procure encore plus de
mystère et la musique typique de cette période évoque les
expérimentations musicales de Richard Wright dans les albums de Pink
Floyd (More, Ummagumma) du même millésime. Bref, Les
Funérailles des roses
est à la fois intrigant, démodé, intéressant, trop long,
fascinant, sublime et cucul la praline. Un film incontournable.
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