Prince
et le cinéma, ça n'est jamais été une grande histoire d'amour. Ce
furent plutôt des liaisons dangereuses, compliquées et
controversées. Certes, il a commencé très fort en 1984 avec Purple
Rain, immense succès public, un Oscar à la clé et des chansons
inoubliables. L'album sorti dans la foulée a été la plus grosse
vente d'albums cette année-là. Purple Rain c'est l'histoire
du Kid, un gars de Minneapolis qui se déplace en moto, qui porte de
la dentelle et des vestes en motif cachemire (qui se traduit par
Paisley en anglais, Paisley Park sera le nom de son antre). Le Kid
est chanteur, avec les membres du groupe The Revolution, il écume
les salles de concert. Le Kid aime les filles mais il est très
timide. Et son père est un homme violent. Et Morris Day du groupe
The Time se moque des ses manières sur scène. Revoir des années
après Purple Rain laisse une impression étrange, d'un
produit commercial kitsch et cucul la praline. Le film ne tient que
dans les passages où Prince and The Revolution interprètent sur
scène les chansons de l'album. Là, c'est formidable, car Prince n'a
jamais réussi à être un acteur mais il était une bête de scène.
Les séquences de concert, très clipées MTV, sont savoureuses.
En
1986, avec son premier chef d'œuvre Parade, toujours co-interprété
avec The Revolution, Prince décide de réitérer le succès de
Purple Rain et de réaliser lui-même. Le s'appelle Under
the cherry moon (voir
ma critique ici). Le film, comme l'album, ont maintenant 30 ans.
Echec commercial et critique phénoménaux, pourtant le film a un
côté charmant, désuet dans la volonté de Prince de mélanger une
imagerie des années folles, un récit des années 1950 et des décors
des années 1980. Le film a moins vieilli qu'on ne pourrait le
croire. Les chansons se font l'écho des ces mouvements d'époque,
l'ultra-modernité de Kiss succède à une bluette Do U Lie, puis
passe à du funk pêchu avec Mountains pour s'achever avec Sometimes
It Snows In April. En 1990, Prince tentera de produire une suite à
Purple Rain, il sera également le metteur en scène de son
film. Graffiti Bridge (que je n'ai jamais eu l'occasion de
voir) sera la fin de sa carrière d'acteur, de réalisateur et il ne
composera plus jamais de bande originale de film. Quand Spike Lee lui
demande de composer la BO de Girl 6 en 1996, Prince se
contentera de proposer 3 nouvelles chansons issues d'anciens projets
avortés, dont une comédie musicale déjà prévue avec Spike Lee. Sa dernière venue dans une fiction était un caméo dans la (très drôle) sitcom New Girl en février 2014.
J'ai
beaucoup écouté Prince, avec passion, avec ferveur, je suis allé
le voir en concert au Parc des Princes. Ma période préférée court
de « 1999 » à Batman, en passant donc par Purple Rain,
Around the World in a Day, Parade, Sign o' the Times et Lovesexy. Sa
mort me bouleverse et m'a estomaquée. Ses chansons que je connais
beaucoup sont absentes d'Internet, il faut avoir les albums pour les
écouter. C'est un cas rare. Sur les chaînes vidéo (youtube,
dailymotion, vimeo) ses clips sont introuvables. Prince les avait
fait inlassablement supprimer sous menaces de procès. Les chansons
étaient géniales, surtout dans cette décennie glorieuse, mais les
clips étaient tous médiocres. Comme pour le cinéma, Prince n'avait
pas eu la main heureuse pour ses clips. Sauf Kiss où il danse,
guitare en bandoulière, avec Wendy. Sauf pour Sign o' the times où
les paroles arrivent des quatre coins du cadre, sans une seule image
de lui. Sauf pour Batdance, chanson finale de l'album Batman où des
danseurs déguisés grossièrement avec le costume du super héros
commettent une chorégraphie sur les rythmes saccadés de la chanson.
Chaque début d'été, j'attendais le nouvel album de Prince. Son
éditeur Warner Bros avait l'habitude de les sortir à cette période
de l'année. La régularité de création de Prince forçait mon
respect et après Lovesexy en 1988, j'attendais l'opus 1989 avec
impatience (voire plus).
Ce
fût Batman. Le gros logo jaune et noir au milieu de la pochette.
Batman se présentait comme la BO du film Batman de Tim
Burton, pourtant peu de chansons sont utilisées (Partyman quand
Joker, en costume pourpre, détruit le musée est intradiégétique,
tout comme Trust lors de la parade) et que Danny Elfman a aussi son
album BO de Batman. Je ne connaissais rien au cinéma, et rien à Tim
Burton (même si j'avais vu Pee-Wee's Big Adventure, je
n'avais pas fait le rapprochement). Après une campagne de
dénigrement féroce (il faut l'avoir vécu pour le croire, même
Michael Bay est mieux traité) où chacun disait pis que pendre de ce
blockbuster (à l'époque les grosses machines hollywoodiennes
mettaient deux mois minimum à arriver en France), je me suis aperçu
que la chapelle du film d'auteur avait mis Batman en
couverture. Si les Cahiers du cinéma aimait ce film, je devais y
aller. J'ai vu le film, je l'ai adoré. Je suis devenu un lecteur
assidu des Cahiers du cinéma (même si je souvent en désaccord),
j'ai vu tous les films de Tim Burton (même si j'aime beaucoup moins
ce qu'il fait depuis 15 ans) et j'écoute Prince en écrivant cet
hommage.
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