Le
père s'appelle Oscar, la mère Suzanne. Il vient du Pérou, elle de
Chicago. 25 ans plus tôt, ils sont tombés amoureux, ont fondé une
famille. Ils voulaient 10 enfants qu'ils auraient prénommés comme
les enfants du dieu Hare Krishna. Ils en ont finalement eu 7, six
garçons et une fille, qui portent les prénoms suivants :
Mukunda, Narayana, Govinda, Bhagavan, Krisna et Jagadesh et leur sœur
Visnu. La famille, nombreuse, vit dans un appartement du Lower East
Side de Manhattan, au sud-est de l'île. Le père, par conviction
politique, a choisi de ne pas travailler, c'est un ancien hippie. La
mère est devenue « fonctionnaire », elle a fait l'école
à ses enfants à domicile et l'Etat la rémunère pour cela. Voilà
comment ils ont réussi à vivre toutes ces années.
Tout
l'intérêt de The Wolfpack,
documentaire de Crystal Moselle, vient de la décision du père de
famille, folle et irrévocable, de ne jamais sortir de l'appartement.
Durant toute leur vie, sauf à de rares exceptions, les six frères
et la sœur n'ont jamais foulé le sol de New York. Ils racontent
leur confinement, on en découvre des bribes par des vieilles vidéos
tournées au caméscope et l'aîné veut aller à la rencontre du
monde extérieur. C'est toute la bande qui va vouloir descendre dans
les rues de Manhattan, aller pour la première fois dans le métro
new-yorkais, mettre les pieds dans l'océan à Coney Island, dans une
salle de cinéma. La mère est fière de leur « libération »,
elle-même va se décider à renouer avec sa maman de 88 ans, le père
accepte que ses fils veuillent sortir mais n'en pense pas moins.
Quand
les six gars sortent dans la rue, c'est un spectacle. Ils ont des
cheveux très longs, sont des grands échalas. Ils ont surtout décidé
de sortir le grand jeu : ils s'habillent comme les personnages
de Reservoir Dogs.
Les passants les dévisagent avec circonspection. Leur passion est le
cinéma. Depuis toujours, ils regardent des films, leur seul fenêtre
sur le monde extérieur. Depuis longtemps, ils rejouent les films
qu'ils aiment. Tarantino est leur cinéaste favori et ils ont suédé,
comme les personnages de Soyez
sympas rembobinez, tout
Reservoir Dogs
et Pulp fiction.
Ils ont recréé les flingues en carton, ce qui leur a valu une vraie
descente du SWAT. L'aîné revêt le costume de Batman, tout en
carton, pour le remake de The
Dark Knight. Une inventivité
folle que la cinéaste filme avec gourmandise. Comme le disait
François Truffaut dans La Nuit
américaine « les films
sont plus harmonieux que la vie ».
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