Depuis
l'adoption et la promulgation de la loi du mariage pour tous, le
cinéma n'a pas été capable de produire un seul bon film sur le
sujet. J'évoquais le mariage gay à la fin de Les Tuche 2,
mais qui se déroule à La Vegas. Dans Tout première fois de
Noémie Saglo et Maxime Govare, sorti en janvier 2015, un gars (Pio
Marmaï) prévoyait de se marier avec son mec (Lannick Gautry) – le
film aurait donc célébré le premier mariage gay de la fiction
française – jusqu'à ce que le premier décide qu'en fait il
préfère les filles. Et depuis, que dalle. Du côté du
documentaire, c'est guère mieux, à part quelques reportages
militants où l'on compare les droits avec ceux des autres pays, où
les témoignages (forcément) poignants se succèdent.
La
Sociologue et l'ourson prend une option différente et
intéressante. Parmi ses deux réalisateurs, Etienne Chaillou et
Mathias Théry, l'un d'eux est le fils d'Irène Théry. Elle a fait
partie du comité d'éthique rencontré par l'Assemblée Nationale
lors des auditions préalables à la discussion des parlementaires.
Ainsi est faite la démocratie française, on discute du projet avant
d'écrire la loi. Elle une sociologue réputée, spécialiste de la
famille. C'est à ce titre que son fiston de réalisateur l'interroge
et sur ce sujet. La première question concerne le mariage en France
depuis un siècle, mariage de façade, de raison, d'argent ou
d'amour, Irène Théry explique très simplement que chaque époque a
donné une fonction différente au mariage.
Ce
qui plaît particulièrement dans le discours d'Irène Théry n'est
pas seulement sa limpidité, c'est qu'elle ne propose jamais des
solutions toutes faites. Elle déclare elle-mêmes que ses opinions
ont évolué au fil du temps. Son discours s'oppose donc modestement
aux intransigeances de ses adversaires (Manif pour tous, Finkelkraut,
Frigide Barjot etc) qui se prévalent d'un mariage inamovible,
éternel et intangible. « Le mariage est ainsi depuis des
millénaires, il ne faut pas y toucher » était l'argument le
plus souvent débité par les opposants, juste après qu'ils aient
déclaré la larme à l’œil qu'ils n'ont rien contre les personnes
homosexuelles.
Irène
Théry ne cherche pas à démonter les arguments des autres, elle les
traite tout simplement de mensonges, avec une candeur et un humour
qui font plaisir. Faire trois ans après un documentaire sur les six
mois de débats publics et à l'assemblée nationale autour du
mariage pour tous sert à montrer à quel point les médias ne
semblaient donner la parole qu'aux gens de la Manif pour tous. Il
suffit de voir les unes des magazines reproduites dans le film. Il
est tellement plus facile, faut bien le reconnaître, de faire du
sensationnel, de laisser la parole aux grandes gueules plutôt que de
faire de la sociologie et d'écouter des gens raisonnables. Le cinéma
donne la parole à ceux qui ne l'avaient pas à la téloche.
Trois
ans après, on se demande comment autant de conneries ont pu être
proférées partout à la télé, à la radio et dans les manifs. Et
je ne dis rien sur les débats parlementaires. Pour les montrer, le
film adopte une belle forme, cocasse et souvent irrésistiblement
drôle, celle du film de marionnettes. Chaque intervenant se voit
attribuer une peluche. Elles sont animées dans un décor de carton
au son des paroles réelles des uns et des autres. Cette distance
permet d'apaiser les discours et donne au film un visuel rare dans le
documentaire (un peu comme L'Image manquante de Rithy Panh),
son ton est proche de celui de Merci patron ! de François
Ruffin. Je souhaite au film d'Etienne Chaillou et Mathias Théry le
même succès.
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