Palombella
rossa était le seul film de
Nanni Moretti a ne pas avoir été édité en DVD. C'est désormais
chose faite, mais à quel prix. L'absence de bonus n'est pas en soi
un problème, mais l'image est minuscule (elle est formatée pour
télé cathodique) et pas nettoyée et sûrement pas remastérisée.
On distingue souvent ces poussières typiques des projections en
pellicule en bas du cadre. Le film est livré dans son jus, comme à
l'époque des premiers DVD où les films étaient simplement scannés
sans étalonnage vidéo. Cela peut avoir son charme.
Dans
ces années 1980, Nanni Moretti s'est donc intéressé au cinéma
(Sogni d'oro),
à l'éducation nationale (Bianca)
et à l'église catholique (La
Messe est finie). Dans
Palombella rossa,
Nanni Moretti est une nouvelle fois Michele, un député. Un député
du PCI qui clame à très haute voix « je suis communiste ».
Un député communiste qui joue au water polo. Et qui a perdu une
partie de sa mémoire dans un ridicule accident de voiture parce
qu'il s'amusait à faire des grimaces à des enfants qu'il voyait à
l'arrière de l'auto devant lui.
Michele
a visiblement oublié qu'il a un match de water polo à son agenda.
Un match de final, très important pour son entraîneur surexcité
par cet événement. Le coach (Silvio Orlando) prodigue ses derniers
conseils aux joueurs. Michele, hébété, s'endort sur le genou d'un
camarade dans le car, reste hiératique au bord de la piscine une
fois les tenues revêtues (un maillot de bain blanc et un bonnet
bleu, Michele a le numéro 5). Il est absent à lui-même, comme aux
autres, il ne se rappelle plus ce qu'il fait là, s'il pourra jouer
le match.
Je
ne connais pas les règles du water polo, que Nanni Moretti ne prenne
pas la peine de les expliquer n'empêche pas de ménager un suspense
certain sur l'issue du match et sur le joueur de l'équipe adverse
(un hongrois bien bâti, Imre Budavari) qu'il faut surveiller. La
durée du match est celle du film. Le point d'orgue est l'éventuelle
égalisation avec un penalty qui n'en finit pas d'être étiré, au
rythme des hésitations de l'arbitre, visiblement favorable à
l'équipe adverse, à siffler le début de l'action.
Les
gradins de la piscine où a lieu ce match sont, en début de film,
clairsemés. Le public est peu nombreux. On compte plus de joueurs
que de spectateurs. Tandis que le match se joue, de plus en plus de
monde peuple ces gradins jusqu'à ce qu'ils soient totalement
remplis, comme si le water polo était aussi populaire qu'un match de
foot. Les supporters s'expriment de plus en plus, prennent à partie
l'arbitre, tout comme le coach viré du bord de la piscine, et
chantent en chœur avec Michele une chanson lors de la séquence
finale.
Pendant
les hors jeux, Michele se fait alpaguer par des gens qui apparaissent
et disparaissent par enchantement. Deux communistes lui offrent des
gâteaux, un catholique (et Raoul Ruiz) viennent lui demander de
venir à l'église, un barbu l'engueule, un vieil ami discute avec
une journaliste venu interviewer Michele, et la fille de ce dernier,
Valentina (Asia Argento) fait ses devoirs au bord de la piscine. Tous
ces personnages sont des figures du passé de Michele, des fantômes
de sa mémoire défaillante qui viennent le harceler.
Ce
passé passe aussi par des flash-backs où Michele, enfant, fait ses
premiers pas à la piscine avec sa maman. Ce passé, ce sont ces
extraits en 8mm avec un Moretti tout jeune mais avec sa voix
actuelle, portant une simple moustache. Ce passé, c'est la diffusion
à la télé de Docteur Jivago
où chacun attend avec angoisse le finale en espérant que Julie
Christie va enfin se retourner et voir Omar Sharif. Le suspense est à
son comble, tout autant que le résultat du match de water polo. Tous
les spectateurs du match se tournent alors vers la télévision.
Palombella
rossa est sorti deux mois
avant la chute du mur de Berlin. Nanni Moretti ne pouvait pas la
prévoir, il n'est pas prophète, mais cet extrait final de Docteur
Jivago (qui se situe peu après
la Révolution d'Octobre), tout comme les questions de l'émission
politique de la télé (pour laquelle il voue toujours la même
haine) auxquelles il répond, les reproches de ses camarades
communistes, esquissent une histoire du communisme, très partielle,
très raccourcie mais qui ne serait remplie que de déceptions et de
rendez-vous manqués.
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