Il
y avait Un spécialiste, portrait d'un criminel moderne
documentaire de Rony Brauman et Eyal Sivan (1999), montage des
archives du procès tenu à Jérusalem en 1961, il y avait Hannah
Arendt de Margarethe Von Trotta (2013) où Barbara Sukowa dans le
rôle éponyme suivait ce même procès, voici maintenant Fritz
Bauer un héros allemand qui remonte le temps, va en 1957 quand
un procureur de Francfort cherche à mettre la main sur Adolph
Eichman, le bourreau nazi, organisateur des convois des Juifs vers
les camps de concentration et d'extermination.
Le
titre français donne une notion héroïque, Fritz Bauer (Burghart
Klaußner) sera donc ce héros de l'après-guerre quand l'Allemagne
d'Adenauer est en pleine guerre froide, qu'elle se reconstruit
lentement mais sûrement et que les plaies du nazisme sont encore
ouvertes. Le titre allemand est différent, Der
Staat gegen Fritz Bauer,
l'Etat contre Fritz Bauer, il s'agit ici d'une guerre que
l'Allemagne, désireuse d'oubli, mène au procureur. Personne, ni le
Land du Hesse, ni ses collègues n'ont envie de remuer le couteau
dans la plaie.
Il
faut être tout à fait honnête, le film de Lars Kraume ressemble à
un pataud film « dossier de l'écran », ultra linéaire,
qui suit son personnage principal pas à pas, avec une reconstitution
académique. Mais le cinéaste fait de son héros un homme peu
aimable, antipathique, cassant avec ses pairs, sans gêne, tant
obsédé par sa tâche qu'il n'hésite pas à téléphoner en pleine
nuit, à exiger une réunion à point d'heure. C'est ce glissement
qui donne de l'intérêt au récit, qui procure à la fois une
certain rejet sur sa personnalité mais de l'empathie pour son œuvre.
« Der
Jude is Schwul » dit l'un des membres du service de
renseignements allemand. Le juif est pédé. Bauer a un passé que le
film évoque de temps en temps. L'empêcheur de tourner en rond est
Juif, socialiste et homosexuel. Sa rencontre avec le gouverneur du
Hesse se fait sous le portrait de Rosa Luxemburg, portrait qui sera
remplacé par un paysage. Le passé socialiste du gouverneur, qui
connaît Bauer depuis Weimar, n'est plus à la mode, tout comme la
recherche d'anciens nazis. Tout est prêt pour faire tomber Bauer,
notamment ses sauteries avec des prostitués mâles.
A
côté de l’enquête minutieuse sur les traces d'Eichman, le film
se lance dans un deuxième sujet, celui du sort des homosexuels dans
l'Allemagne d'Adenauer. Bauer a dans son équipe un procureur, Karl
Angermann (Ronald Zehrfeld, une armoire à glace) qui s'intéresse au
cas Schneider. Ce jeune homme est accusé de prostitution et Karl va
le défendre lors de son procès en invoquant une jurisprudence. Il
le perdra face à un juge conservateur mais l'amie de l'accusée
viendra remercier Karl Angermann de son courage.
Ce
récit parallèle où Karl révèle qu'il est lui-même homosexuel,
menaçant ainsi l’enquête de son mentor (qui lui est menacé de
trahison quand il avertit le Mossad qu'Eichman se trouve en
Argentine) rappelle que l'Allemagne subissait encore la loi dite du
Paragraphe 175, interdisant et punissant l'homosexualité. Les
documentaristes Rob Epstein et Jeffrey Friedman avaient réalisé un
film en 2000 sur cette loi qui permit aux nazis d'interner 100000
personnes. Bref, un deuxième « dossier de l'écran »
pour le prix d'un.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire