Avec
André Téchiné, on sait toujours assez vite où l'on va. L'affiche
de Quand on a 17 ans montre, sans détour, la relation entre
les deux garçons, des lycéens qui vont passer le bac. A gauche,
Thomas (Corentin Fila) les yeux légèrement dans le vague, à droite
Damien (Kacey Mottet Klein) qui regarde Thomas, et derrière eux
Marianne (Sandrine Kiberlain) qui observe les deux ados. Elle est la
mère de Damien, elle est médecin et c'est en allant soigner la mère
adoptive de Thomas qu'elle décide de les réunir, même s'ils n'en
demandaient pas tant.
Ce
qui compte plus chez Téchiné ce n'est pas l'aboutissement d'une
histoire d'amour entre Thomas et Damien, rugueuse et violente, qui
s'épanouira comme on s'en doute bien, que les chemins, les
bifurcations et les embûches pour y arriver. Dans Les Roseaux
sauvages, sa première vraie histoire d'amour entre adolescents,
les rivières du Tarn sinueuses et printanières servaient de
parcours, dans Quand on a 17 ans, ce sont les montagnes
enneigées des Pyrénées qu'il faut gravir et dépasser pour
s'aimer.
Deux
modes de vie s'opposent. Thomas vit dans une ferme de montagne avec
ses parents adoptifs. Après avoir aidé son père à nourrir les
vaches, il fait une bonne heure de marche dans la neige, prend le bus
et arrive au lycée. Damien vit avec sa mère dans une villa, son
père (Alexis Loret, de retour chez Téchiné 18 ans après Alice
et Martin) est un militaire chez « les barbus » comme
il le dit. Damien a une vie plus calme, plus bourgeoise. Au lycée,
les deux gars ne peuvent pas se sentir et se tapent sur le gueule dès
qu'ils le peuvent.
Ce
que montrent bien ces coups, ces croche-pattes, ces regards haineux,
c'est l'incapacité des deux garçons à comprendre ce qui les lie.
Ce que les deux personnages ne comprennent pas, pas plus que les
parents d'ailleurs, on peut les voir comme des préliminaires à la
scène de sexe, hélas moins tenue, des préliminaires violentes mais
filmées avec une grande douceur et une certaine distance. Thomas dit
qu'il a peur d'aimer Damien, ce dernier n'est pas certain de savoir
s'il aime les mecs ou seulement Thomas.
Dans
l'une des plus belles séquences, Damien demande à Thomas de
l'emmener se faire soigner l'un des bleus qu'il a reçu après qu'ils
se soient battus. Damien au téléphone se fait guider par l'homme
qu'il va voir, une sorte de rendez-vous coquin. Damien est incapable
d'aller plus loin, mais Thomas va discuter avec cet homme
trentenaire, exploitant agricole, qui va tout lui raconter sur sa
ferme, bien différente de celle de son père. Cet homme sert de
relais à l'amour entre Damien et Thomas, avec une économie de
dialogues bienvenue.
Tout
ce qui pouvait paraître parfois démonstratif dans les films d'André
Téchiné, avec ses tunnels de dialogues explicatifs, ses
atermoiements romantiques, sont balayés. Quand Damien, lors d'une
révision pour un bac blanc, sort des diatribes extraites du Banquet
de Platon, Thomas se contente de répliquer à son pote qu'il avait
compris, qu'il est « balourd ». L'apport de Céline
Sciamma est indéniable dans le scénario, plus pudique, plus
elliptique, que celui que Gilles Taurand avait pu apporté dans ses
collaborations avec le cinéaste.
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