Tokyo,
quartier de Shinjuku, été 1968, 17h30. Comme partout ailleurs dans
le monde (des cartons indiquent l'heure dans d’autres villes),
l’agitation gronde au Japon. Sur la place principale de Shinjuku,
une troupe de théâtre alternatif joue une pièce grotesque (un
comédien et chanteur, Juro Kara dans son propre rôle est assailli
par quatre hommes qui le déshabillent, ils tremblent de peur devant
son tatouage) tandis que juste en face, des militants nationalistes,
juchés sur un camion, haranguent la foule. Parmi les passants, un
jeune homme (Tadanori Yokoo) en costume cravate observe sans rien
dire. Ce sera le voleur de Shinjuku dont Nagisa Oshima filme la
chronique quasi improvisée où plusieurs personnalités viennent
s’immiscer dans le squelette de narration.
Que
vole-t-il ? Des livres dans une librairie. Il se sert, puis
quitte les lieux. Pas n’importe quels livres : tous traitent
de la sexualité. Une jeune femme (Rie
Yokoyama) lui ordonne de s’arrêter
et d’aller dans le bureau du patron (Moichi Tanabe, dans son propre
rôle). Le libraire est conciliant, il refuse d’appeler la police,
donne au gars quelques conseils littéraires, lui offre des bouquins.
Le lendemain, il revient, vole à nouveau et direction encore une
fois l’entretien avec Tanabe. Il lui demande son nom, il dit
s’appeler Okanoue, puis dit avoir menti et déclare que son nom est
Birdy Hilltop. La jeune femme est également là, mais le libraire ne
la reconnaît pas, elle se prétend vendeuse mais ne l’est pas.
Elle s’appelle Umeko Suzuki. Ensemble, ils vont faire un bout de
chemin et esquisser une romance.
Le
récit du Journal
du voleur de Shinjuku
est très libre. Filmé en 16mm en noir et blanc avec quelques
séquences en couleur, le film ne cherche pas à raccorder ses bribes
d’histoire. Le fil conducteur est l’amourette entre Birdy et
Umeko. Ils couchent ensemble, c’était le dépucelage de la jeune
femme (la tache de sang sur le drap blanc est filmée en couleur),
mais aucun d’eux n’a joui. Tout le film est dévolu à la
recherche de cet orgasme, ultime étape de leur révolution
personnelle dans cet été 1968. Ils vont rencontrer le sexologue
Tetsu Takahashi qui clamera que Umeko est lesbienne, ils vont
discuter avec les acteurs Kei Sato et Fumio Watanabe qui violeront la
jeune femme et ils feront du théâtre avec la troupe de Juro Kara
dans une variation moderne et grimée de kabuki. Après tous ces
discours, ils atteindront la jouissance.
Nagisa
Oshima fait preuve d’une grande inventivité dans ses images. Loin
de s’embarrasser pas d’un scénario progressif, il alterne noir
et blanc et couleur, il filme plusieurs séquences caméra à
l’épaule dans un style documentaire (l’entretien avec le
sexologue, une réunion d’anarchistes). Des intertitres viennent
remplacer les dialogues. On y entend des auteurs (dont Jean Genet, le
titre du film est emprunté à l’un de ses livres) tandis que
défilent des couvertures de livres (on pense beaucoup à Bande
à part et à Une
femme mariée de
Jean-Luc Godard). Okanoue et Umeko se promènent la nuit, un
godemiché dans la main. Les personnages discutent beaucoup, souvent
pour rien dire, développent des théories typiquement
soixante-huitardes. Journal
du voleur de Shinjuku
se veut le portrait amusé, inventif et survolté de son époque.
Nagisa Oshima a fait partie de ce mouvement de révolte. La dernière
séquence, sans doute prise sur le vif, montre des émeutes dans
Shinjuku.
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