Après
avoir assisté au suicide d’un caméraman qui a sauté d’un
immeuble, Motoki (Kazuo Goto) pique sa caméra 16mm et s’enfuit en
courant. Il rejoint ses amis activistes pour une discussion sans fin
de gauchistes révolutionnaires amateurs de cinéma interventionniste
qui retranscrit la réalité telle qu’elle est. Motoki se fait
sévèrement critiquer par ses camarades qui lui reprochent son
individualisme dans sa manière de filmer et de ne pas pratiquer le
collectif. Lui parle de la police qui a piqué la caméra pour avoir
des preuves, qu’il a du courir derrière les flics. Et
effectivement, la première séquence de Il
est mort après la guerre
montre le jeune homme en train de courir. A vrai dire, il est assez
difficile de comprendre ce qu’il s’est vraiment passé.
Tourné
entre Le
Petit garçon et La
Cérémonie, films bien
plus classiques et plus poignants, Il
est mort après la guerre
ressemble dans sa forme, tournage en noir et blanc et 16mm avec une
troupe de théâtre) à Journal
d’un voleur de Shinjuku.
Le cinéma remplace cette fois la littérature mais la quête
sexuelle est similaire. Motoki va abandonner les discussions
politiques avec ses amis pour passer plus de temps avec Yasuko (Emiko
Iwasaki), présentée comme la petite amie du suicidé. En tout cas,
Motoki en est persuadé même si la jeune femme lui affirme que son
copain est bien là (on le voit à l’image) et que la caméra n’a
pas été prise par la police (la pellicule est prête à être
visionnée). Mais l’image dit-elle la vérité ?
Justement,
ils vont tous regarder ce que contient la petite caméra. Un toit,
une rue, un trottoir, un tunnel, des rails et les images du début du
film que nous spectateurs sommes en train de regarder. Très vite les
critiques fusent en accusant ces images de petite-bourgeoise, de
faillite politique, de perte de sens du réel. Ce filmeur se prend-il
pour Yoshida, Imamura ou d’autres, se demandent-ils. Ce qui est
amusant dans ces critiques est bien entendu que ce sont celles que la
Nouvelle Vague essuyait quand elle a été lancée,au Japon comme en
France. Les images de ce film contrastent avec celles des
manifestations de factions politiques : des gens casqués et
masqués avec force drapeaux manifestent devant la police. Sans
donner de réponse, Nagisa Oshima questionne la valeur et le poids
des images.
La
projection sert plus tard à la mise en scène des rapports sexuels
entre Yasuko et Motoki. Elle va se déshabiller et laisser les images
se refléter sur elle. Ils passeront de plus en plus de temps
ensemble, feront l’amour sur un terrain vague, les peaux seront
filmées en gros plans dans une image de toute beauté. La scène,
toute en douceur alors que l’étreinte est rude, offre aux deux
amants une sensualité dans un univers strictement politique, comme
une bouffée d’air frais. Lui parle de manière sèche, elle a une
voix douce. Il sombre dans une folie douce obsédé par les plans
fixes qu’il a vus. Il décide de les retourner et l’enquête les
mène dans divers quartiers de Tokyo.
Armés
d’un plan de la ville, ils repèrent les lieux où les plans ont pu
être filmés. Les repères sont en forme de téton. Cette partie de
Il
est mort après la guerre
s’apparente à un film fantastique, une silhouette semble les
suivre, le montage suggère plus qu’il ne montre. Chaque fois
Yasuko s’évanouit quand cette silhouette. Enfin, pour résoudre
son énigme, Motoki filme à l’identique les plans. Yasuko
s’incruste dans chaque plan, refuse de s’en aller tel un
personnage en quête d’auteur. Puis, dans la séquence finale, la
boucle doit se boucler, l’énigme se résoudre, Motoki recréer le
suicide initial et à nouveau prendre la caméra en s’enfuir en
courant, dans un ultime geste de mise en abyme.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire